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Jean-Christophe Cambadélis : « Je ne serai jamais pour un Parti socialiste caserne »

Publié le 29 août 2014 par Letombe
Jean-Christophe Cambadélis : « Je ne serai jamais pour un Parti socialiste caserne »

Jean-Christophe Cambadélis, en fin connaisseur des crises politiques, a préféré laisser passer l'orage en silence, réservant ses commentaires à Manuel Valls. « Je n'ai jamais été autant au centre du jeu politique de ma vie », s'amuse-t-il. Le premier secrétaire du PS entend désormais profiter de sa première université d'été à La Rochelle dans le costume du patron pour se poser en rassembleur de la gauche et appeler les uns et les autres à la retenue.

Cette crise gouvernementale au moment de la rentrée était-elle nécessaire ?

Nous sommes dans une conjoncture de décomposition politique. Et la gauche s'étiole, se désole, voire s'affole. Fallait-il y ajouter une crise de l'exécutif ? Je ne le pense pas. Faut-il pour autant que la fermeté soit synonyme de fermeture ? Je ne le pense pas non plus. Cette crise était inutile au regard des difficultés et des doutes que connaissent les Français.

Les positions économiques de M. Montebourg étaient-elles réellement incompatibles avec la ligne de MM. Hollande et Valls ?

Si Arnaud Montebourg avait été en désaccord avec le pacte de responsabilité que la majorité a adopté, il aurait démissionné. Je ne pense pas qu'il était nécessaire de dire que rien ne bougeait. Mais je ne pense pas non plus qu'il soit nécessaire de dire qu'il y a deux lignes irréconciliables qui s'affrontent. J'appelle tous les socialistes à ne pas surjouer leurs différences, parce que ça mute en divergences et ça se termine en divisions.

Le nouveau gouvernement, dont le symbole est la nomination d'Emmanuel Macron à Bercy, illustre-t-il la victoire de la seule ligne social-libérale à gauche ?

Je n'ai pas été prévenu de la nomination d'Emmanuel Macron. Je n'avais pas à l'être. Il sera la cible facile de ceux qui n'attendaient que cela. Mais Arnaud Montebourg ne fixait pas la ligne économique du gouvernement. Il n'y a pas de raison qu'Emmanuel Macron la fixe davantage. Laissons-le travailler, mais je fais une remarque générale. Le social-libéralisme ne fait partie ni de notre vocabulaire ni de notre tradition. Je me suis opposé fermement à certaines dérives à la gauche du Parti socialiste. Je pourrais le faire vis-à-vis d'autres tentations.

Le discours, mercredi, de Manuel Valls devant le Medef, très favorable au patronat et aux entreprises, peut-il être celui d'un premier ministre socialiste ?

Ce n'est pas tant le discours du premier ministre qui m'a surpris que l'attitude du patronat qui semble enfin se rendre compte que le « toujours plus » – au moment où les dividendes aux actionnaires explosent – indisposait la France. Mais le Medef ne s'en tirera pas par des applaudissements.

La question de la réorientation de la politique économique ne se pose-t-elle donc plus ?

Le gouvernement maintient sa trajectoire, même si les inflexions sont là. On a déjà bougé sur les 3 %, la transition énergétique, le pouvoir d'achat par la baisse des impôts, le ciblage des aides patronales… Même le débat sur la Banque centrale européenne fait avancer les choses. Le quinquennat est face à un tournant. Nous avons jeté les bases du redressement, et à quel prix électoral ! Nous devons désormais ouvrir une deuxième séquence, qui est celle de l'investissement, dans l'éducation nationale, l'apprentissage, le logement, les collectivités locales, les entreprises…

Le débat sur la ligne économique est-il clos dans la majorité ?

Le gouvernement veut être cohérent, et on voit bien l'importance de cette cohésion dans la situation politique actuelle. Mais le PS doit être le lieu du débat. Je ne serai jamais pour la discipline des consciences, pour un Parti socialiste caserne. Je me porte garant des débats, mais je ne saurais accepter qu'ils aient pour but de renverser le gouvernement.

Le gouvernement a-t-il une majorité à l'Assemblée pour faire voter ses réformes ?

La sortie d'Arnaud Montebourg, de Benoît Hamon et d'Aurélie Filippetti va renforcer médiatiquement les critiques. Mais devant quels choix sont les socialistes ? Réussir, moderniser et redresser notre pays ou une dissolution qui nous ramènerait à une portion congrue ? L'arrivée d'une droite thatchérisée ? Ou alors, l'impensable de plus en plus probable, la venue d'un FN qui combinerait sortie de l'Europe et xénophobie ? Les socialistes et la gauche sont condamnés à surmonter leurs divergences. Qui peut, socialiste, arriver à souhaiter que le gouvernement tombe ? Les conséquences seraient incalculables. Chacun sait que la dissolution serait aussi celle de ceux qui l'ont provoquée. La gauche a toujours eu deux cultures : celle de la réforme et celle de la contestation. Elles doivent dialoguer, mais ne pas s'affronter car, sinon, nous allons tous nous marginaliser.

Pourtant la majorité n'a jamais semblé aussi peu plurielle…

Puisque Cécile Duflot aime les formules latines, en voici une : Adhuc tua messis in herba est, « la moisson ne fait encore que poindre ». On ne construit pas un avenir sur l'amertume. Cécile Duflot le sait. Les écologistes ont besoin du PS et vice versa, personne ne gagnera dans son coin. Les écologistes doivent continuer à travailler leur culture politique de gouvernement. A Jean-Luc Mélenchon, je voudrais dire qu'il n'y a pas de place pour un chavisme en France. C'est une impasse. Je préfère quand il évoque la VIe République qui est un sujet, que quand il dit préférer Sarkozy à Hollande, ou quand il dit que les « frondeurs » couinent… Comment peut-on parler ainsi ?

Quant à Jean-Michel Baylet, on connaît ses positions, il les maintient et, pour l'instant, il n'insulte personne. Collectivement, il faut être à la hauteur de la conjoncture historique. On est en guerre civile aux portes de l'Europe ; une partie du bassin de la Méditerranée est à feu et à sang ; nous sommes dans la récession, voire dans la déflation en Europe ; et chacun va faire sa soupe dans son petit coin ? J'appelle à ce qu'on cesse les petites phrases, les postures, qu'on délaisse les anathèmes pour enfin aborder les vrais thèmes.

Retrouvez l'interview de Jean-Christophe Cambadélis au Monde.


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