La communication est un art subtil qui demande un doigté particulièrement délicat. Pour être de bonne qualité, la communication nécessite une bonne réception, et une émission également bonne. En France, le gouvernement est assuré, par une presse lourdement subventionnée, d’une excellente réception de ses messages (petits fours et champagne inclus). Tout le monde les reçoit, cinq sur cinq, en pleine tête. En revanche, pour ce qui est de l’émission, des « marges de progression » existent indubitablement.
Et il n’y a même pas besoin de revenir sur les exemples récents que constituent la Loi ALUR ou le principe des 35 heures. Pour ALUR, on constate que cette loi fut poussée de travers par Cécile Duflot dans de rocailleux fossés, pour être ensuite péniblement extirpée par elle-même dans d’épuisants efforts législatifs, ce qui aura conduit un Manuel Valls aux mains de plus en plus moites à l’y repousser rapidement, pendant que les maires socialistes de Lille, Paris ou Grenoble, s’emploient à en récupérer les meilleurs morceaux. Pour un citoyen lambda, savoir si cette loi s’applique ou non devient un exercice pour le moins complexe.
Pour les 35 heures, on observe une même tendance à la confusion paniquée. D’un côté, un énarque, pas encore ministre de l’économie, se fend d’un commentaire qu’on aurait largement pu classifier de bon sens en admettant qu’il faudrait bien, un jour ou l’autre, en finir avec ce concept moisi. De l’autre, le même énarque, devenu ministre, doit clairement rétropédaler pour expliquer qu’aucune renégociation de ces 35 heures n’est au programme. Ni rien d’autre d’ailleurs. Circulez, il n’y aura surtout aucune tentative d’alléger le fardeau.
Mais tout ça, au rythme frénétique de chihuahua cocaïnomane où vont les choses en France, c’est déjà de l’histoire ancienne.
Maintenant, alors qu’on a déjà oublié Godille & Zigzag, le duo hamono-montebourgeois qui sera parvenu à s’auto-éjecter du gouvernement Valls 1 en l’obligeant à se démettre, nous découvrons le nouveau couple de clowns chargés d’occuper nos soirées d’hiver pendant que la facture énergétique, le chômage et le déficit budgétaire grimperont. J’ai nommé Pirouettes & Renoncements.Le rôle de Renoncements est très bien rempli par François Rebsamen. Brave petit soldat de la garde hollandiste qu’il a bien fallu récompenser pour sa fidélité à défaut de compétence, le pauvret se débat à présent avec des chiffres du chômage de plus en plus mauvais, noyé par une courbe, pardon, une vague qui a refusé de s’inverser. Il espérait surfer sur une tendance optimiste, le voilà pataugeant dans des eaux sombres et agitées dont on ne voit plus le fond.
Amer constat que celui de chiffres qui gonflent. Deux solutions se présentent à notre bricoleur socialiste : trouver le mistigri, la martingale pour inverser la courbe réduire le chômage, relancer l’activité, bref, redonner de l’emploi aux millions d’individus que la crise semble avoir jetés, par paquets de cent mille, dans les officines Pôle-Emploi de France et de Navarre. Une idée, donc, une vraie. Ce serait une première, surtout au PS. Ou bien … assaisonner les statistiques en réduisant le nombre d’inscrits. Après la découverte, à la fin du mois d’août, que le gouvernement était soluble dans la démondialisation montebourgeoise, on s’aperçoit étonné que les chômeurs sont oxydo-réductibles dans un bain de contrôle anti-fraude.
Tout bien analysé, voilà qui « fait le job » comme on dit de nos jours ! À lui, la réduction du chômage, la baisse de la fraude sociale, et l’inversion de la courbe tant recherchée par ses patrons ! Seul petit souci pour Rebsamen : renforcer les contrôles, traquer le fraudeur, vérifier que les uns et les autres ne touchent rien d’indu, et font bien les efforts attendus d’eux pour retrouver, fissa, un emploi, tout cela, c’est exactement ce que prônait ce qu’en France on appelle sans rire « la Droite », jadis, lorsqu’elle était au pouvoir. Et tout l’appareil socialiste s’était alors levé, comme un seul homme (à commencer par le candidat Hollande lui-même), contre ce genre de pratiques honteuses.
Au passage, la critique d’alors (« Quand Nicolas Sarkozy attaque les chômeurs, François Hollande, lui, veut s’attaquer au chômage ») résonne délicieusement alors que le chômage n’a pas été trop inquiété des redoutables attaques du Roi Solex, et le fond de l’assertion socialiste d’alors reste d’actualité : qu’attendent donc nos fiers politiciens pour réellement affronter les causes du chômage ?
Peut-être … Peut-être ont-ils justement un peu de mal à identifier ces causes. Peut-être leur esprit brumeux et leur conception spéciale de la vie économique entraînent-elles une légère insuffisance à analyser le problème qui se présente ? L’hypothèse serait hardie si elle n’était pas confirmée, malheureusement, par l’obstination mortifère de nos ministres à ne surtout pas remettre en cause l’obésité de l’État. Et c’est là qu’entre en jeu « Pirouettes », anciennement connu sous le nom de Michel Sapin.
Les petits calculs (au contraire des réformes structurelles) ont été menés. Et ils sont formels : la croissance n’étant pas là (flûte), l’inflation étant anémique (zut), le budget sera un peu plus tendu que prévu (crotte). Comme il était déjà très très tendu, il sera juste super tendu. Ce serait un élastique, il aurait déjà parcouru la moitié de la distance Terre-Lune, mais nos gouvernants ne désespèrent pas de l’étirer bien au-delà, le tout sans qu’il ne claque et leur revienne dans la figure.Au bilan, le gouvernement va devoir ralentir le rythme des économies. Vous avez bien lu : alors même qu’on n’a pas encore vu le début d’une once d’économie réelle, qu’on a même constaté une augmentation soutenue de la dépense publique, alors même qu’on n’a toujours pas vu le calcul précis des postes affectés par les 50 milliards d’économies soi-disant prévues dans les trois prochaines années et qu’on n’a même pas encore mis en place ni le pacte de compétitivité, ni celui de responsabilité, ni la réforme territoriale censée économiser plein de trucs et de machins, ni tout le reste, alors que cela fait plus de quarante ans que des économies auraient dû être faites, et plus de 20 que la Cour des Comptes les réclame haut et fort, alors que la situation est maintenant plus critique que jamais, Michel Sapin Pirouettes nous explique, la bouche en cœur et le patrimoine même pas bosselé, que les économies, qui se basaient en réalité sur l’augmentation plus faible que l’inflation des prestations diverses et variées, sont remises en cause.
Autrement dit, c’est la fin de la diminution de l’augmentation, et la reprise de l’augmentation de l’accroissement, si vous me suivez bien. Pour ce qui est de la diminution tout court, ou même de l’arrêt de l’augmentation, vous pourrez toujours vous brosser. Encore une fois.
Le souci, bien sûr, c’est que Pirouettes se retrouve à devoir expliquer ça devant des partenaires européens de plus en plus nerveux auxquels il avait été promis, juré, craché, que des réformes étaient en cours, des économies planifiées et des efforts envisagés très fort. De ce point de vue, la communication gouvernementale marque ici encore un point haut dans le n’importe quoi : elle est devenue totalement illisible, confuse et pire que tout, contradictoire d’une semaine ou d’un mois à l’autre.
Cette confusion, ajoutée d’actes, en face, toujours aussi microscopiques, entraîne une perte totale de confiance tant du peuple que du reste des partenaires internationaux du pays. L’étau se referme, doucement mais sûrement, sur l’équipe en place.
À présent, même l’immobilisme devient risqué.
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