04 - 09
2014
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PITCH.
La dernière nuit d'un homme qui vient de tuer son rival. Enfermé dans une chambre, cerné par la police, ils se souvient.
NOTES.
On dirait du Zola transposé à la veille de la seconde guerre mondiale, c'est en fait un scénario écrit par Carné et Prévert à partir d'une histoire imaginée par un voisin de palier du réalisateur : un homme tue par amour et s'enferme dans sa chambre, on attend que "le jour se lève" pour l'abattre. Quel film coup de poing, socialement parlant, sous l'angle du mélodrame amoureux! "Le Jour se lève" sort en salles en version restaurée et additionnée de deux scènes coupées lors de sa sortie en salles sous le gouvernement de Vichy avant que le film ne soit carrément interdit car jugé trop démoralisant.
On dit que c'est le premier film français (1939) qui utilise le procédé du flash-back (trois). Le film démarre par un coup de feu hors champ, un homme d'un certain âge, plutôt chic, dégringole l'escalier, sortant de la chambre de François, l'ouvrier modèle, qui vient de le tuer par jalousie. L'assassin s'enferme dans sa chambre au dernier étage d'un immeuble populaire, les voisins et la concierge en effervescence, cherchent à comprendre, bientôt une foule assiège l'immeuble... Lors de 3 flash-backs, Francois se souvient... D'abord de sa rencontre avec Françoise, la fleuriste, à qui il dit que non seulement ils portent le même prénom mais qu'ils sont de la même famille puisqu'ils n'en ont pas (sortant tous les deux de l'"Assistance"). Lors de ce coup de foudre muet, les fleurs de Françoise d'étiolent, ce qui démontre la pollution de l'air où triment les ouvriers du sable qui boivent du lait comme supposé antidote à leur exposition respiratoire, cependant, tous toussent et tous fument. Mais Françoise est bernée par un dresseur de chien, Valentin, un salopard beau parleur et manipulateur, en redingote à col de fourrure, qui lui fait miroiter la Côte d'azur. La suivant en cachette quand elle se rend au spectacle de Valentin, François fait connaissance de Clara, la partenaire de ce dernier. Dépité par le comportement de Françoise, François entame une liaison avec Clara à qui il ne laisse pas d'espoir. Couple magnifique que Gabin, sex-symbol masculin de l'époque, taiseux, le regard bleu acier, et Arletty, l'amoureuse sans espoir qui balance quand il la quitte "heureusement qu'on s'aime pas..."
TWITTER.
@Cine_maniac · Aug 27
"Le Jour se lève" de Carné en version restaurée/complétée : quelle force du désespoir! Et habile cruauté dialogues (reprise+ DVD 23/24/09)"
photos Studio Canal
ET AUSSI...
La modernité de ce film est frappante : le procédé des flash-backs, on l'a dit, les spectateurs perdus, Carné rajoutera un avertissement après le générique. Le jeu des acteurs disparate, d'un côté, Gabin, naturel, minimaliste, jeu intériorisé, moderne avant l'heure, de l'autre, les habitants de l'immeuble, par exemple, au jeu plus daté. Et Jules Berry, cas isolé, même s'il fait son numéro de Jules Berry, pourtant tellement crédible dans ce personnage lâche et pervers (il torture ses animaux pour les dresser), sans dignité, moralement malhonnête dont on découvre à la dernière scène que Valentin est plus désespéré qu'il n'y paraît, pleurant sa jeunesse envolée et sa séduction de jadis. D'ailleurs, n'est-ce pas lui qui posera son révolver sur la table dans la chambre de Jean Gabin pour qu'il l'ait sous le nez et soit tenté de l'utiliser? Personnage retors comme qui lui demande implicitement de le tuer (il le pousse à bout par son baratin si rodé) tout en sachant qu'il le condamne de fait à devenir un assassin, ainsi, aucun des deux hommes ne possèdera la douce Françoise.
Le pamphlet social sur les conditions de travail après le Front populaire est trempé dans l'acide sulfurique, l'absence d'espérance autre qu'une histoire d'amour le dimanche (en rêvant de s'offrir un vélo), car les autres jours, il faut dormir tôt pour se lever tôt et travailler comme des forçats. La dernière scène est un vrai coup de poing, après l'issue fatale, sonne le réveil de François pour aller à l'usine avant le mot Fin... Très moderne aussi. Les dialogues de Prévert y participent, beaux et cruels, disant par touches les conditions de vie révoltantes, la malchance (sorte de déterminisme social) de ce couple en miroir (François et Françoise, élévés tous les deux à la DDASS) dont l'histoire d'amour est condamnée d'avance tout comme un quelconque avenir.
Mélodrame amoureux et tragédie sociale, les personnages sont autant (sinon plus) victimes de leur condition sociale dans un environnement deshumanisé et toxique pour leur santé (la version industrielle du bagne) que des infidélités amoureuses des uns et des autres. Clara aime François qui aime Françoise, il couchera avec celle qu'il n'aime pas, respectant celle qu'il l'aime qui le trahira avec Valentin qui possède la culture des mots qui envoûtent la naïve Françoise et font défaut à François.
Carné a retrouvé Prévert et Gabin dans "Le Jour se lève" après "Quai des brumes", avec Arletty, il avait tourné auparavant "Hôtel du nord". Un film magnifique et poignant, noir, et engagé, à (re)voir de toute urgence.
PS. Pour retrouver les scènes coupées, le distributeur a lancé un appel aux cinémathèques internationales, Bruxelles et Milan on répondu présent.
"Le Jour se lève" de Marcel Carné (1939) en version restaurée: Sélection Cannes Classics 2014
DIFFUSION.
Reprise en salles (24 septembre) et sortie Blu-Ray, DVD et VOD (23 septembre) quasiment simultanée). Studio Canal.
Une bonne idée de ne pas se cantonner à la reprise en salles pour ceux qui ne trouveront difficilement ce genre de chef d'oeuvre dans un cinéma proche de chez eux.
Bonus Blu-Ray (dommage qu'il n'y ait pas les bonus avec le DVD)
"Dernier sursaut du front populaire" (1h35)
"Le Jour se lève, la restauration" (15')
Un livret de 24 pages par N.T. Binh
Note CinéManiaC :
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Mots-clés : avant-premières, CinéDVD, CinéClassic, cinéma français, Le Jour se lève, Marcel Carné