La semaine politique qui vient de s'écouler a été dominé par les choix de l'exécutif français: il faut assumer résolument une politique de l'offre et mettre "courageusement" le cap vers la croissance. Ces décisions viennent clore un débat politique et médiatique qui, depuis le printemps, s'est concentré sur le choix entre offre et demande.
Ce tapage médiatique a occupé toute la scène et a permis d'oublier le doute qui commence à s'installer: et si la croissance ne revenait plus jamais? L'Allemagne, modèle de vertu et champion européen de la réussite économique, espère atteindre péniblement 1,8% de croissance. La Chine n'arrive pas à repartir. Le Brésil, hier encore, pays-modèle, va probablement entrer en récession. Comment, dans ces conditions, la France peut-elle espérer s'en sortir?
A cet égard, on ne peut être que sceptique devant les leviers que le nouveau gouvernement espère mobiliser pour "libérer" la croissance : libérer les prix de l'immobilier en n'appliquant pas l'encadrement des loyers, s'attaquer aux professions réglementées, au travail dominical... Combien ces mesures vont-elles faire gagner de points de PIB à l'économie française? 0,1%? 0,2%? Combien d'emplois vont-ils permettre de créer? Quelques dizaines de milliers? On se doute bien que cela ne suffira pas à retrouver une embellie économique.
Les experts économiques répondent à notre scepticisme en nous expliquant qu'il s'agit "d'amorcer la pompe" et nous autoriser à repartir vers un avenir qui nous permettrait de retrouver l'idéal de la prospérité économique que l'Europe a connu depuis soixante ans.
Or, la Croissance ne reviendra plus, et cela de manière définitive. Cette affirmation (*) n'est, pour l'instant, pas prise au sérieux. Cette thèse commence pourtant à rencontrer quelques partisans dans le monde scientifique. Robert Gordon défend l'idée que les moteurs de la croissance future n'existent plus. L'innovation ne constitue plus le levier créateur de valeurs ajoutées collectives qu'il a pu être dans le passé.
Mais si nous pouvons affirmer avec force que la croissance ne reviendra plus, c'est parce que l'argumentation de Robert Gordon se révèle incomplète. Il identifie des freins réels (le vieillissement de la population par exemple) mais ne perçoit pas -comme la quasi-totalité de nos contemporains- le coeur de ce ralentissement: la fin des ressources facilement exploitables.
La notion d'empreinte écologique permet de comprendre que, à partir du mois d'août, chaque année, nos économies exploitent des ressources qui ne pourront pas se renouveler. Comment ne pas concevoir que la recherche de ses ressources disparues finit par avoir un coût qui se répercute sur l'économie des pays, des entreprises et des ménages?
C'est à cela auquel nous assistons sans que les économistes possèdent encore les outils qui nous permettraient de l'appréhender: métaux, hydrocarbures, denrées et intrants agricoles, terrains disponibles. Toutes les ressources nécessaires aux activités économiques sont -partout dans le monde et particulièrement sur le vieux continent européen- de plus en plus difficilement exploitables, de plus en plus éloignés des centres dynamiques de l'économie. Ce constat freine inexorablement la croissance, limite les richesses collectives et individuelles.
Il faudra bien que les experts, les économistes le comprennent. Il faudra que le personnel politique l'admette si nous voulons inventer des stratégies économiques résolument novatrices qui nous fassent sortir des impasses dans lequel nos pays sont tombés. Nous prenons tous pour modèle l'Allemagne. Or, ce qui constitue le moteur de sa vitalité actuelle est bien la marche forcée, Outre-Rhin, vers une transition énergétique qui limite le déficit de sa balance commerciale et vient créer des emplois délocalisables.
Pour en savoir plus: l'entrelacement des crises économiques et écologiques.
Source de l'image: wikipédia, "Taux de croissance annuel du PIB (1950-2010) et taux de croissance annuel moyen pour trois périodes, dont les Trente Glorieuses". On voit que la tendance se rapproche inexorablement de zéro.
(*) C'est celle de l'auteur de ces lignes depuis 2010: pourquoi la croissance économique ne reviendra plus?