Le jurassien aux vies multiples nous livre ici son second album (après CARLA SE MANGE en 2007). Très profonds et dénonciateurs, également teintés d'humour ou de cynisme, les textes de Fox Kijango n'ont rien à envier aux grands chansonniers français ! Avec sa voix particulière, grave et qui sent le vécu, l'artiste interpelle et ne laisse pas indifférent. L'instrumentation passe par de gros riffs, des guitares plus discrètes, des rythmes carrés ou des sonorités électros, mais toujours avec une certaine froideur clinique qui dissèque les travers des humains tel un médecin-légiste…
Très rock, le1er titre, « Baise », n'y va pas par quatre chemins… Ode à l'acte sexuel, plus fort que la mort. Glaçant, un riff répétitif accompagne à merveille le texte de « Barnabé » qui dénonce la pédophilie, où un homme bien conforme à notre société laisse échapper son mauvais côté à la nuit tombée. L'ambiance est posée… « Les Lombrics » est un hommage aux travailleurs des mines, les gueules noires. Le rythme rapide, saccadé, donne une impression d'étouffer à 100 mètres sous terre.
Le groove lent et lourd du quatrième titre « Ne Pas Bouger » est très prenant, comme la spirale infernale qu'est la guerre, sujet de ce morceau. A tous les morts pour rien, à qui l'on a fait miroiter les honneurs, petits soldats bien dressés… Excellent.
Bluesy, « Capteur De Planète » a un air léger et joyeux mais il fait référence aux jeux des enfants – au fond pas si drôles que ça – cruels et inconscients… Extrêmement rude, la musique de « Fille De Rien » a un côté industriel, comme si l'artiste avait enregistré le vacarme d'une usine… Mais là c'est de l'amour à la chaîne délivré par les prostituées dont il est question. « Ô Ventre De Davos » commence par du scratch, appuyé par la basse très présente, la voix aux effets synthétiques se pose puis passe au refrain presque dissonant… Une foule d'instruments intervenants ça et là (harmonica, claviers, guitares) donnent une impression de malaise… Davos symbolise la politique économique pour engranger des profits et non l'intérêt du peuple…
Un côté punk lent pour « Elle N'avait Pas » dans les versets qui contraste avec un refrain quasi psychédélique. Un mélange des genres qui fonctionne pour parler d'une femme dont la vie se résume à… rien. Un fantôme hanté de solitude dans notre monde d'apparences.
Chanson dramatique tant dans le texte que la musique, « L'exil Au Salon » nous immerge dans la dure situation des civils confrontés à la guerre. Guitares froides mais harmonieuses, voix doublée et mise en avant sur la basse implacable sont les ingrédients de ce petit bijou ! L'album se termine avec « Testaments », qui dévoile l'arrivée à la vie et une hypothétique mort de l'artiste. Poésie récitée sur une musique répétitive et saccadée qui s'adoucit par moment, sortent les violons… En chanson « cachée », un poème touchant sur la vie et la liberté.
Fox Kijango a reçu la médaille d'or de la chanson en 2006 et a participé aux Rencontres d'Astaffort en 2007 (réunion d'artistes prometteurs crées il y a 20 ans sur l'initiative de Francis Cabrel). Dire que c'est mérité est plus qu'une évidence alors… ne vous privez pas de le découvrir !