La composition du gouvernement la semaine dernière a déclenché les plus folles rumeurs. C'est la loi du genre. Deux personnalités politiques ont attiré l'oeil et les commentaires davantage que les autres: Emmanuel Macron, parce qu'il remplace Arnaud Montebourg au ministère de l'Economie, qu'il fut secrétaire général adjoint de l'Elysée auprès de François Hollande jusqu'en juillet dernier et ancien banquier d'affaires.
Et jean-Vincent Placé, sénateur écologiste modéré qui ne cachait pas ses ambitions ministérielles depuis mai 2012, et que l'on soupçonnait prêt à rompre la semi-opposition d'Europe Ecologie Les Verts pour un strapontin au gouvernement Valls.
Une semaine après la nomination du gouvernement, on en savait davantage sur les circonstances à peine cachées de la composition de cette nouvelle équipe.
Emmanuel Macron était en concurrence avec un autre banquier d'affaires. C'est l'hebdomadaire Marianne, dans son édition de vendredi dernier, qui nous l'apprend. Mathieu Pigasse est pourtant actif ailleurs, copropriétaire du Monde et du Nouvel Obs entre autres choses. Cette hésitation présidentielle entre les deux hommes n'a aucune importance politique. On sait bien que les deux sont favorables avec la ligne politique suivie pour l'heure à l'Elysée.
Après un couac gigantesque à peine corrigé par Matignon - un entretien au Point dans lequel Macron expliquait ses réticences contre les 35 heures - le nouveau ministre de l'Economie s'est rattrapé dans les colonnes de Sud Ouest lundi 1er septembre avec un joli éloge des SCOP. On croyait lire Politis !
Malheureusement pour lui, l'homme crut habile d'ajouter quelques formules creuses - "Être de gauche, pour moi, c’est en effet être efficace, recréer les conditions pour investir, produire et innover".
"L’entreprise est le coeur de notre économie, c’est elle qui emploie, exporte, innove. Et la scop illustre très bien l’idée que je me fais de l’entreprise : une collectivité humaine qui est aussi la propriété de ceux qui la font."
Ces phrases accompagnent une "levée des tabous" - du contrôle des chômeurs à la réforme du code du travail par ordonnance - une course à la Schröder qui a besoin de conserver quelques oripeaux de gauche, pour se justifier face ce qui lui reste d'électorat.
Plus intéressante était la valse de Jean-Vincent Placé.
Jean-Vincent Placé a la voix qui porte, c'est un élu écologiste qui compte. En quelques années, il s'est imposé comme l'une des figures bruyantes du mouvement écologiste français.
Le 26 août 2014, il a failli flancher, et participer au gouvernement Valls 2. François Hollande et Manuel Valls l'avaient cherché, la veille, pour prendre la tête d'un grand ministère de l'économie verte.
1. L'histoire ne dit pas si Hollande cherchait à virer Royal, actuelle titulaire du ministère de l'environnement. La dame de Poitou s'est accrochée paisiblement à son poste. Elle a une loi à faire passer. Bizarrement, rares ont été les commentateurs à souligner qu'il n'était pas question pour elle d'abandonner son poste.
2. Jean-Vincent ne voulait pas être félon. Son parti d'origine a refusé de participer au gouvernement. On pourrait croire que c'est tout à son honneur. Il n'en est rien. Placé a tenté de convaincre Valls de céder sur quelques symboles. Quelques jours après les révélations de Cécile Duflot sur ses propres déboires et désillusions au gouvernement, comment Placé pouvait-il envisager partir dans l'équipe Valls numéro 2 ? C'est bien la preuve que les écologistes sont divisés.
3. Effectivement, Placé avait raison de douter, d'hésiter. Il n'est pas si hostile à la politique conduite par Manuel Valls, pour peu qu'elle s'amende un peu pour servir quelque sujets spécifiquelement écologistes. Et EELV n'est pas non plus dans l'opposition frontale. Placé pensait-il faire bouger les lignes à droite ? Il rencontre ses temps-ci des leaders de l'UDI, et ne s'en cache pas. Il s'agirait de les convaincre de soutenir quelques réformes comme la proportionnelle.
4. Lundi 1er septembre, Placé exprime déjà son premier désaccord avec l'une des premières décisions du nouveau gouvernement Valls, le recours aux ordonnances.
"Il est parfois possible en début de quinquennat d'utiliser les ordonnances parce qu'on veut appliquer rapidement les propositions qu'on a fait valider par les Françaises et les Français. Mais là, des propositions qui viennent de nulle part, qui n'ont jamais été débattues au sein de la majorité, jamais été débattues pendant la campagne du moins pas par la gauche, non. Je m'opposerai au Sénat à tout débat par ordonnance."
Ouf... On a eu chaud.
Il aurait pu être ministre.