Une table, deux chaises et deux cafés : je reçois aujourd’hui Aliette Frangi qui va nous parler de son instrument de musique, le violon, et d’une initiative originale qu’elle a lancé.
Bonjour Aliette, pourrais-tu te présenter aux lecteurs d’Artetvia ?
Originaire de Seine-et-Marne, j’ai commencé très jeune à apprendre le violon. Mes parents m’ont poussée à débuter, j’ai décidé de poursuivre ! Pendant l’adolescence, j’ai eu la chance de recevoir une formation pointue au sein de la Maison d’éducation de la Légion d’Honneur qui propose un département musique. Des solistes internationaux venaient assurer des cours, diriger de petits ensembles. Pendant plusieurs années, j’ai pu ainsi me frotter à des professionnels, travailler la musique de chambre en profondeur et avoir la possibilité de travailler mon instrument tous les jours. Si bien qu’en sortant du lycée, j’avais un niveau solide en violon comme en solfège. Ce dernier point m’a permis de poser un autre regard sur la musique, plus intellectuel et théorique, qui vient compléter harmonieusement une pratique assurée depuis des années. J’ai ensuite poursuivi ma formation à travers un orchestre semi-professionnel, quelques concerts entre amis donnés à Paris et à l’étranger, et l’animation d’événements (mariages, baptêmes, enterrements…).
Et quel répertoire aimes-tu ?
Je joue un peu de tout, avec un attachement particulier à la musique baroque. Evidemment, la manière dont on joue actuellement cette musique est sans doute propre à notre époque : les pièces n’étaient peut-être pas jouées de la manière dont nous les interprétons en ce moment. Mais qu’importe ! Je suis très émue par le jeu à la fois pur, précis et virevoltant de Fabio Biondi. Sa version des Quatre Saisons donne un coup de fraîcheur à une pièce trop entendue. ( surtout à partir de 7’15). Quelle modernité dans cette interprétation baroque!
L’ensemble Matheus donne lui une interprétation poignante du stabat Mater (extrait du Nisi Dominum) de Vivaldi :
Moins connu, le concerto pour violoncelle de Platti est également décoiffant dans cette interprétation de l’Akademie für Alte Musik de Berlin:
J’ai beaucoup aimé jouer en formation de musique de chambre, notamment en trio : Schubert, Beethoven, Mendelssohn… J’ai découvert l’art de la conversation musicale. J’ai un peu touché au jazz, même si, je reconnais savoir peu de choses sur la théorie du jazz. Il y a dans cette musique une part d’improvisation qui n’est pas toujours facile aux musiciens qui ont toujours été habitués à suivre une partition.
A partir d’un certain nombre d’années d’apprentissage et de pratique, un très grand nombre de pièces peuvent être jouées sans problème technique majeur !
Quelles sont les difficultés du violon ? Et ce que tu aimes dans cet instrument, redoutable s’il en est ?
Je pense que commencer jeune est essentiel, et les parents doivent faire preuve de soutien et de patience (même quand le violon grinçant leur casse les oreilles). Ceux-ci doivent bien vérifier, s’ils le peuvent, que le professeur est exigeant – ce qui ne veut pas dire « méchant » – Les mauvaises habitudes sont malheureusement rapidement prises et ardues à défaire ! Dans le violon, ce qu’il y a de plus difficile, et cela n’étonnera pas les lecteurs d’Artetvia, c’est la justesse et la pureté du son ; ensuite vient la position « physique » : tenir un violon et un archet n’est pas naturel, et puis les cordes font mal aux doigts. Quant à l’agilité des doigts, c’est comme tous les autres instruments, cela vient avec la pratique. C’est un instrument qui demande beaucoup de persévérance : si on ne progresse pas, on recule. C’est une très bonne école d’humilité, de travail continu et régulier. Je pense honnêtement que la passion vient en même temps que la pratique d’un art difficile. Evidemment, il y a un équilibre à trouver : si l’enfant n’aime pas ça, non pas par paresse, mais vraiment par absence d’intérêt, mieux vaut ne pas continuer.Ce que j’aime dans le violon ? Le son de la corde (frottée) qui vibre. Comme le chant, ou le violoncelle, cela m’émeut, vraiment ! Et de plus en plus.
Tes compositeurs préférés ?
Bach et Vivaldi, banalement! Les pièces de Bach sont extrêmement bien construites ; le rythme est sobre, il faut un son très pur et… une vie intérieure. Pour Vivaldi, c’est la richesse des contrastes qui m’intéresse ; on passe d’une mélodie plaintive à une légèreté presque indécente parfois. Ce n’est pas un hasard si ces deux génies ont vécu pendant l’âge d’or du violon (fin XVIIe et XVIIIe siècles).
Parle-moi maintenant de ton projet !
Et bien, je ne me destinais pas à être violoniste ! J’ai suivi des études de gestion et de finance et ai d’abord travaillé dans un cabinet de conseil en organisation. Mais ma passion m’a rattrapée : il y a quelques mois, j’ai créé une entreprise qui envoie des musiciens jouer sur les lieux des obsèques.
Je suis partie d’un constat : pour les moments festifs de la vie (mariage, baptême…), le recours à des musiciens et chanteurs est courant. En revanche, pour les obsèques, beaucoup moins, alors que ce sont des moments où les gens en ont peut-être le plus besoin. Si les obsèques religieuses ne sont pas toujours belles ni priantes, les obsèques « civiles » peuvent être bien pires! Mon objectif est donc d’accompagner ces moments douloureux par de la musique vivante, et malgré tout, de donner une âme à cette cérémonie. La musique élève l’âme et est éminemment spirituelle. Elle nous tire vers le haut. Au cours d’un enterrement civil, on se rend compte que, malgré tout, les gens ont besoin de transcendance, sinon, c’est totalement absurde. La musique peut les aider à y parvenir.Pour gérer une telle activité, il faut de la réactivité, de l’organisation et une bonne gestion. Je peux faire intervenir jusque 4 musicien(s) ou chanteur(s). Je dispose d’un réseau d’une trentaine de musiciens et chanteurs tous professionnels que je connais. Je les ai tous auditionné,. Quand nous répondons aux demandes des familles, nous avons aussi un rôle de conseil. J’ai par ailleurs commencé un démarchage des sociétés de pompes funèbres, où j’ai reçu un bon accueil.
Un dernier mot ?
Pouvoir allier passion et travail est vraiment une chance que peu de gens ont ! C’est un projet un peu fou, mais je m’y lance à la fois avec humilité et enthousiasme !
Merci Aliette et bonne chance !