Cela n'a pas grand chose a voir avec les recits de voyage ou les histoires de courses que je publie habituellement ici, mais comme c'est un petit événement dans ma vie de voyageur que de changer de camp de base, j'ai envie d'ecrire un peu, ce dernier soir que je passe a Aix-les-Bains, sur ce sujet.
Demain donc je vais signer la vente de mon petit appartement et, avec l'aide de mon ami Damien Poulet, vider les lieux. Dans un premier temps, je vais stocker mes affaires dans la cave de Damien, en Auvergne. Je vais sans doute attendre un peu avant d'etablir mon prochain camp de base, les mois qui s'annoncent seront de toutes facons tres voyageurs.
C'est vrai que, pour quelqu'un qui a pratiquement dédie sa vie au voyage, le lieu d'habitation n'est pas nécessairement ce qui importe le plus. Mais tout de même, au moment de quitter mon minuscule studio aixois, j'ai forcement une pensee vers les quatre années que j'y ai- en pointilles- passe. Quatre ans de voyage, de defi professionnel et surtout personnel, quatre ans de solitude aussi, lorsque je passe seul de longues soirees dans une ville ou, toujours de passage, je n'ai pas nouer beaucoup de contacts.
Que retiendrais-je, a chaud et plus tard de ces quatre années ou j'ai habite, au moins fiscalement parlant, l'avenue des fleurs a Aix? En dehors de tous mes beaux voyages, peut-etre pas tant de bons souvenirs lies a mon clapier.
Un soir d'ete 2010, j'avais visite quelques appartements et decide de m'installer la, c'était central dans les Alpes.
Je me souviens bien que ce soir la, dans le parc de verdure, on donnait un tres agreable concert nocturne de musique classique. Je n'en ai plus entendu aucun de ce type a Aix depuis. Peut-etre n'y etais je pas au bon moment. Le bal musette a fond les enceintes semble l'avoir remplace tous les etes.
D'Aix, je vais donc garder le souvenir d'un lieu ou je me suis senti seul la plupart du temps. Non que je n'aime pas la solitude, mais elle est tout de même bien plus dure a vivre sans bouger de chez soi que dans le mouvement du voyage.
Je me souviens de mes premiers mois ici ou j'ai dormi sur un thermarest de quelques millimetres d'epaisseur, faute de matelas. Je m etais dit que quand même, j'exagerais un peu. Passer d'un 35 m2 rambolitain a peu pres bien amenage a un exigu 18 m2 aixois sans meubles (j'en ai mis par la suite, que je laisse sur place en repartant), n'était certes pas l'image même de la reussite prônée habituellement. J'avais un peu solde ma vie d'avant et une situation qui me promettait au moins une certaine aisance financiere. Mais mon gout du defi, mon desir de conduire ma vie au plus pres de mes aspirations, ma quete personnelle inassouvie et peut-etre le fait de penser que finalement je n'avais pas tant a perdre, m'avaient conduit la. Un lieu trop etroit pour s'y sentir vraiment bien, dans une petite ville que je n'allais pas prendre le temps de bien explorer, sans doute.
Pas sur que mon prochain "camp de base" soit plus chaleureux ni moins solitaire, je m'en remet au prix de l'immobilier et bien sur au hasard et a la chance des belles rencontres.
Quatre ans, des années bien remplies et pourtant je repars d'ici aussi seul que j'y suis arrive. "Fremd bin ich angekommen, fremd ziehe ich wieder auf." dit un lieder de Shubert dont je me souviens... Je pars donc avec le sentiment d'un rendez-vous manque, en quelque sortes, même si j'ai apprecie les bords du lac et la montee au Revard.
Car a part quelques soirees amicales, que je peux compter sur les doigts de la main, mon camp de base sera reste solitaire durant ces quatre années. Trop intermittent sans doute pour me créer un tissu social local, je n'y etais vraiment qu'un passager. Je n'ai donc eu guere l'occasion de bien ranger ma tanniere. Je me souviens tout de même d'une belle soiree amicale ou nous etions quatre, journalistes specialises et neanmoins amis, dans mon reduit qui ce soir la m avait paru tout a fait civilise. Mes histoires d'amour, toujours trop courtes, lamentables souvent et toujours finalement regrettables, ne m'ont aussi guere permis d'amener des princesses dans ma tanière d'ours... Ainsi va ma vie de pelerin, en quete de sens mais que l'immobilite lasse vite.
Je garderai d'Aix le souvenir de mes départs, surtout. De départs vers des voyages qui me mènent loin, même si l'un d'eux aurait pu me renvoyer à la case depart, à apprendre à remplir les dossiers de la cotorep, ou même encore plus loin, de l'autre cote du miroir... Je me souviendrai de la dent du Chat que je salue du train, de la gare qui promet l'escapade. De mon depart, a pied, vers Saint-Jacques, qui restera mon plus beau souvenir aixois. Mais c'est un souvenir de depart, d'evasion, symbole aussi du fait que je me suis souvent senti un peu (et parfois beaucoup) triste dans mon petit appartement.
D'ailleurs ce soir non plus, je n'ai pas envie d'etre chez moi. Je sors me balader un peu, pour dire au revoir a la ville, aussi. Un tour au parc de verdure. Les arbres sont tres bien eclaires, la fontaine du roi Mohamed V coule a nouveau. On pourrait se croire au Maroc. Je vais boire un dernier verre, en terrasse, en bas de chez moi.
Demain, ca n'est plus chez moi. Pour un garçon qui, vous l'aurez compris, n'aime pas trop etre chez lui, ce n'est pas si dramatique.