Les éditions La Porte publient en l’un de leurs précieux petits livres des poèmes de James Sacré
Petits objets qu’on achète ou qu’on ramasse
Ce pourrait être un caillou, ici à Capitol Reef, un caillou noir volcanique
Dans un éboulis, et tout le grand théâtre de roches rouges autour,
Le vert lumineux des jeunes feuillages de peupliers, les dessins
Que les anciens ont laissés sur la plaque de grès tendre, parfois
Tout un pan de pierre tombe et c’est
Quelques mille ans de vie qui s’effondrent :
D’autres cailloux qu’on pourra ramasser, je pense
À des poèmes de Jean Follain dans lesquels l’éternité s’ouvre
À partir de rien, le bruit d’une épingle
Sur un comptoir d’épicerie. Le bruit du monde
ou le bruit d’un mot. Poème effondré va-t-il pas se reprendre
À partir d’un rien juste à peine donné
Dans le clair d’une après-midi à Capitol Reef ?
Ce caillou qui n’était
Qu’un rêve autour d’un mot
*
Une pierre verte (comme de la turquoise
Parfois est verte) avec un fond de grès rouge dedans
Je la ramasse, roulée là parmi les pins pignons et les genévriers
Par les eaux d’un orage ; la densité du caillou
Celle de sa couleur, font plaisir à la main
Autant qu’à l’œil du cœur qui s’égare
En des souvenirs d’autres voyages, ou d’autres poèmes…
N’importe quelle pierre disait un titre
Mais aujourd’hui celle-ci arrachée
A quelque montagne pas loin, ligne des crêtes
De Sangre del Christo qui mène le regard et la pensée
De Sante Fe jusqu’au pueblo de Taos, caillou qui est
toute l’étendue de terres souvent quasi rouges mal retenues
Par les verdures de petits arbres têtus sur les pentes.
Des masses d’eau précipitées jusqu’en ce poème qui a cru
Comprendre cette pierre perdue
Dans le paysage mal parcouru.
James Sacré, On cherche. On se demande, collection « Poésie en voyage », La Porte, 2014
Abonnement à La Porte, Poésie, art, littérature, 6 numéros 21€ (port compris pour la France). 3, 80€ le livret.
La Porte, Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon.