Pendant la durée du générique, on se prend à rêver furtivement de la naissance d'un nouveau James Ellroy, un type taillé pour le grand écran qui nous régalerait en nous contant des plongées dans les ténèbres des années 50 à travers des faits divers sordides. Très vite, on déchante. Pour son premier long, Todd Robinson fait preuve d'un manque d'âme assez conséquent. Coeurs perdus sent le studio et la naphtaline, le genre de film où tous les costumes sont bien repassés (et où ça se voit). La partie Travolta/Gandolfini est absolument soporifique, les deux hommes n'ayant rien ou presque à défendre. On imagine volontiers Todd Robinson, suant sur sa table de scénariste, imaginer ce duo comme les Blanchard et Bleichert du Dahlia noir (on parle évidemment du roman). Tels quels, ce ne sont que deux flicaillons patauds, vaguement hantés par des souvenirs assez glauques. Heureusement, le film épouse également le point de vue des meurtriers.
Si le choix de Jared Leto est difficile à comprendre (il joue un type très très dégarni, moyennement beau et un peu vieux), le couple qu'il forme avec Salma Hayek (très très en rondeur, avant même d'avoir pris un petit coup de Pinault) est assez fascinant. Si Robinson peine à donner à ces amants maudits une dimension de tragédie grecque, c'est néanmoins cette partie qui rend le film acceptable par moments. Cette relation passionnée et faussement incestueuse (elle se fait simplement passer pour sa soeur afin de lui laisser le champ libre pour séduire la bourgeoise) possède une ambiguïté assez insaisissable, à laquelle se mêle le goût du sang. C'est là qu'on réalise que Robinson est passé à côté de son sujet : les seuls et uniques héros de son histoire, ce sont eux, pauvres coeurs solitaires contraints de s'allier et de semer la mort pour se sentir exister. Une version rétro de Tueurs-nés qui aurait sans doute eu un parfum bien plus attirant.
4/10