Le traitement de la douleur chronique n’a pas évolué depuis une cinquantaine d’années. Or, il est désormais possible de découvrir des molécules agissant comme des antalgiques sans leurs effets secondaires redoutables.
Loin des promesses tenues par les tenants transhumanistes d’une optimisation du corps biologique chez l’homme, par les biotechnologies notamment, l’Analgesia Institute souhaiterait promouvoir une approche unifiée de la douleur chronique grâce à des antalgiques moins envahissants. La douleur chronique touche en moyenne près d’un adulte sur cinq, et cette proportion grandit chez les seniors. Le XXème siècle a contribué à traiter ce type de douleur avec des soubassements pharmaceutiques : de la morphine (découverte en 1803) à l’aspirine (en 1899), jusqu’aux plus récents Ibuprofen et antidépresseurs dans les années 1960. Mais ces solutions demeurent aujourd’hui insuffisantes et l’innovation se fait attendre malgré des investissements très lourds de l’industrie pharmaceutique. D’un point de vue économique, les seuls traitement existants représentent à l’échelle mondiale, des coûts médicaux évalués à plusieurs dizaines de milliards de dollars. Né en 2008, l’Institut Analgesia – relié à l’université de Clermont Ferrand, cluster entre une dizaines d’institutions privées et publiques – conduit ses recherches dans le sens inverse de la procédure traditionnelle de l’industrie pharmaceutique : c’est en isolant des données depuis les consultations individuelles qu’ils remontent jusqu’aux chemins pris par différentes molécules antalgiques.
L’effet de la morphine sans morphine
Les antalgiques sont classés selon l’intensité de la douleur qu’ils peuvent traiter, depuis le paracétamol jusqu’aux dérivés opioïdes forts comme la morphine. Les plus puissants d’entre eux, dérivés à partir de la morphine, ont certes conservé leur efficacité depuis leur découverte mais pèchent par des effets secondaires trop importants pour en démocratiser l’usage en dehors des douleurs aiguës (nausée, addiction). Les chercheurs rattachés à l’université d’Auvergne ont ainsi cherché à faire disparaître les effets secondaires dans l’utilisation de la morphine : en étudiant les récepteurs neuronaux, ils ont isolé un canal ionique particulier (TREK-1) qui, traversés par du potassium, remplit l’effet antalgique de la morphine sans en transmettre ses effets secondaires. Ainsi, résume Alice Corteval, bras droit du président de l'institut, en connaissant le canal où l’effet de l’antalgique prend racine, les chercheurs n’ont pas à utiliser la morphine per se car d’autres molécules feront aussi bien l’affaire. À ce jour, les équipes réunies autour d’Analgesia Institute sont passées de la phase de recherche à la synthèse de plusieurs de ces molécules.
Au delà des solutions antalgiques, la douleur est un enjeu public
Les autres innovations concernent le traitement de la douleur avec un protocole similaire, consistant à isoler les récepteurs neuronaux activés par le passage d’un antalgique, qu’il est possible de réactiver avec des molécules de synthèses. Par exemple, pour la douleur neuropathique, celle qui suit l’endommagement de nerfs particulièrement sensibles, qui peut être traitée par des médicaments non antalgiques en soi. En prenant en amont la recherche sur la douleur, l’Analgesia Institute propose enfin une perspective unifiée entre le traitement des hommes et des animaux, connu sous le nom d’antibiothérapie. Comme le synthétise Alice Corteval, le concept de "One Health" prend une perspective plus large sur la chaîne alimentaire, et met l’accent sur l’intérêt de traiter la douleur animale puisque reliée à la santé humaine par l’alimentation.