Trente-Six Chandelles, Marie-Sabine Roger

Publié le 02 septembre 2014 par Bouquinovore @bouquinovore

Auteur:Marie-Sabine Roger Titre Original: Trente-Six Chandelles Date de Parution : 20 août 2014 Éditeur :Editions Le Rouergue Rentrée Littéraire 2014 Prix : 20,00€
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Quatrième de couverture :Allongé dans son lit en costume de deuil, ce 15 février, à l'heure de son anniversaire, Mortimer Décime attend sagement la mort car, depuis son arrière-grand-père, tous les hommes de sa famille sont décédés à onze heures du matin, le jour de leurs 36 ans. La poisse serait-elle héréditaire, comme les oreilles décollées ? Y a-t-il un gène de la scoumoune ? Un chromosome du manque de pot ? Que faire de sa vie, quand le chemin semble tout tracé à cause d'une malédiction familiale ? Entre la saga tragique et hilarante des Décime, quelques personnages singuliers et attendrissants, une crêperie ambulante et une fille qui pleure sur un banc, on suit un Mortimer finalement résigné au pire. Mais qui sait si le Destin et l'Amour, qui n'en sont pas à une blague près, en ont réellement terminé avec lui ? Dans son nouveau roman, Marie-Sabine Roger fait preuve, comme toujours, de fantaisie et d'humour, et nous donne une belle leçon d'humanité.
Extrait Je m'étais levé plus tôt que d'habitude. Six heures du matin. La journée était importante, et je savais déjà que je n'irais pas jusqu'au bout. Je suis allé chercher des croissants à la boulangerie, je me suis fait un café. J'ai regardé mes albums de photos. J'ai repassé un petit coup de chiffon inutile sur ma cuisinière impeccable, j'ai essayé de regarder un film, de lire, sans succès. J'ai consulté deux cents fois la pendule. C'est curieux comme le temps semble se ralentir, à l'approche d'un rendez-vous. Les heures deviennent visqueuses, s'étirent en minutes élastiques et gluantes comme un long fil de bave sous la gueule d'un chien. J'attendais ce moment final depuis tellement longtemps. Je n'irai pas jusqu'à dire que je m'en faisais une fête, mais j'étais curieux de savoir ce qui allait se passer. J'étais simplement contrarié que ça se passe ici. Au cours des dernières années, j'avais échafaudé mille projets insolites ou grandioses : tirer ma révérence au fin fond de la Chine, dans une fumerie d'opium ; chez les Aborigènes, au son mélancolique d'un vieux didgeridoo. Sur les pentes d'un volcan. Dans les bras de Jasmine, en plein coeur de Manhattan. Je n'avais rien fait de tout ça, évidemment. En bon procrastinateur que je suis, j'avais perdu mon temps à remettre au lendemain le choix de ma destination finale. Résultat, je n'avais pris aucune décision, et je mourrais chez moi, comme n'importe qui. Cette ultime matinée était très décevante, il me tardait d'en voir la fin. Cinquante minutes avant l'heure prévue, comme je tournais en rond et que je commençais à m'enquiquiner ferme, je me suis allongé sur mon canapé-lit pour me détendre un peu, dans cette fameuse posture dite «du cadavre», bien connue des défunts et de ceux qui pratiquent plus ou moins le yoga, ce qui était mon cas depuis trois semaines. Paumes de mains tournées vers le ciel, jambes légèrement écartées, pointes de pieds tombant négligemment vers l'extérieur, diaphragme détendu, le souffle lent et calme, les yeux rivés sur cette saloperie de pendule accrochée sur la hotte, juste en face de mon lit, qui n'en finissait pas de grignoter mes secondes restantes avec la discrétion d'une vieille dame dont le dentier résiste à un quignon de pain.
Il était déjà 10 h 12.
À10 h 13, on a toqué fermement à la porte, qui s'est ouverte dans la foulée, puis refermée aussitôt en claquant. Voilà, je me disais bien que j'avais oublié quelque chose : je n'avais pas pensé à mettre le verrou. - Encore au pieu, gros paresseux ? ! a jeté Paquita en traversant le studio d'un pas vif, telle une antilope dodue qui trottinerait vers le point d'eau sur des talons de douze centimètres. Elle a jeté au vol sa fourrure synthétique sur le coin de mon lit, puis est allée derrière le bar qui sépare le coin cuisine du coin séjour-chambre-bureau. Paquita est partout chez elle, encore plus lorsqu'elle est chez moi. Elle fait partie de ces gens à géométrie variable qui occupent aussitôt tout l'espace d'une pièce, quelle qu'en soit la superficie. (...)