« En panne de projet, l’Europe se dote d’un patron de compromis« , titrait Les Échos du 16 juillet dernier au lendemain de l’élection par les Parlementaires européens de Jean-Claude Juncker à la Présidence de la Commission.
« En panne de projet », « en manque de vision », ce constat vaut autant, sinon plus, pour la France. Loin de nous l’idée de conjecturer sur l’avenir de notre économie en abondant avec des propos déclinistes. Il s’agit, au contraire, de solliciter nos décideurs afin qu’ils donnent aux Français une vision stratégique, un objectif de long terme à atteindre par différents moyens car « l’essentiel est un problème de GPS« , rappelle aussi Pascal Lamy (Usine Nouvelle, 9 juillet 2014). Certes, le GPS ne nous emmène pas toujours à destination par le chemin le plus simple. Qu’importe, il nous y emmène. Et c’est de cela dont chacun de nous a besoin. Pas de promesses inatteignables, pas d’énième constat sur nos faiblesses et nos dysfonctionnements, pas de scénarios des possibles de ce que pourrait être l’économie française dans 15 ou 20 ans et qui nous sont servis comme autant d’oracles (« La grande impuissance des pythies modernes », Les Échos, 21 mars 2014).
Non ! Une vision, un objectif, un but pour lequel chacun se mobilise.
Certes, l’on objectera que l’exercice est plus aisé dans les pays émergents où l’horizon économique est plus dégagé, où la confiance dans l’avenir est plus étayée, etc. La Turquie s’est ainsi dotée d’une vision stratégique dite « Turquie 2023 » visant à intégrer le club des grandes puissances. De même, toutes proportions gardées, la Chine se donne comme ambition de poursuivre son développement économique en se transformant en une société plus harmonieuse. Que dire encore de la Corée du Sud qui s’inscrit dans une dynamique nouvelle de « creative economy« ? Mais des pays plus proches tels que l’Allemagne dont la détermination a mené à la victoire au Mondial 2014 ou les économies nordiques qui cultivent un optimisme dans leur avenir sont aussi sources d’inspiration pour la France.
Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, France Stratégie, dans son rapport sur La France dans dix ans, vient d’assigner, à notre pays, un ensemble d’objectifs thématiques ou sectoriels. On saluera l’exercice qui, pour les raisons ci-dessus, se révèle particulièrement méritoire. À nos dirigeants d’y agréger maintenant une vision globale.
Pour autant, on mettra en garde contre toute tentation d’agir par pointillisme à travers des politiques ponctuelles comme celle de la relance de l’investissement ou encore de définir un objectif qui s’établirait par nostalgie du passé, comme pour réécrire l’histoire et ranimer nos rêves de grandeur.
De ce point de vue, la construction européenne nous sert d’enseignement. En faisant valoir ses intérêts de « puissance », la France a perdu bien des points dans la construction européenne. Pierre Verluise en a récemment fait une démonstration pertinente et convaincante (« France/UE : le malaise, pourquoi ? », Diploweb, 7 mai 2014) : en voulant faire de l’Europe un multiplicateur de sa puissance, la France a vu son poids politique diminuer dans une UE qui s’est élargie à plusieurs reprises.
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Alors oui, au-delà de la mise en œuvre collective des réformes, nous avons besoin de toute urgence d’une vision alors qu’un nouveau gouvernement se met en place… Mais d’une vision qui nous donne un autre avenir, qui réinvente la France et qui rassemble.
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