Pas d’explosions, ni de robots-voitures anthropomorphisés dans cette réalisation de Steven Quale. Pourtant on n’est pas très loin du « cinéma » à la Michael Bay. En effet, sont réunis dans Black Storm tous les ingrédients qui font désormais partie du style du génie hollywoodien auquel on doit, entre-autres, Bad Boys : effets spéciaux très travaillés, personnages superficiels ou encore acteurs plus que moyens. Ce blockbuster catastrophe (et le terme est à utiliser à double sens ici) peine à emballer et on se lasse vite. D’ailleurs, jamais une production de 89 minutes n’a semblée si longue. Autant vous dire que Black Storm ne vaut pas du tout la peine de s’y attarder.
Bien que parti d’une idée originale, Black Storm aura été une énorme déception. Le film est raconté selon différents points de vues, à travers multiples écrans, que ce soit les caméras des protagonistes ou celles de la vidéosurveillance d’une école ou d’un aéroport. En reprenant le concept de REC, Projet X ou Chronicles, qui nous racontait chacun une histoire de manière neutre d’une unique caméra portative, l’histoire de Black Storm est relatée avec le même procédé à la différence qu’il est ici pluriel. L’intention est donc, a priori, celle de raconter une histoire avec la quasi-neutralité du reportage journalistique ou du documentaire.
Black Storm relate l’histoire d’un ouragan traversant la ville de Silverton, une petite bourgade d’Oklahoma. La séquence d’ouverture met en scène quatre étudiants en voiture, alors qu’une tempête se prépare à les frapper. On apprend par la radio qu’aucune victime n’a survécu. Nous sont alors présentés les groupes de personnages que nous suivrons tout au long du film : un crew de météorologues spécialistes des tornades tournant un documentaire et attirés par la tempête de la veille, un père et ses deux fils et un groupe de rednecks à la recherche de hits sur Youtube. Le groupe de spécialistes est mené par Peter (Matt Walsh), à la recherche d’une tornade à filmer depuis plus d’un an. Parmi les membres de son équipe on retrouve Jacob, un caméraman pas trop confiant interprété par Jeremy Sumpter (anciennement Peter Pan) et Allison (Sarah Waynes Callies) séparée de sa fille depuis plus de trois mois à cause de son travail. Richard Armitage tient le rôle de Gary, un père de famille veuf élevant seul ses deux fils. Donnie, l’aîné, introverti et vertueux, doit filmer la cérémonie de remise des diplômes pour son père qui se trouve être le directeur-adjoint du lycée. En plus de cela, Donnie doit capturer sur caméra étudiants, professeurs ou habitants pendant qu’ils s’adressent à celui ou celle qu’ils pensent être dans 25 ans. Trey, le plus jeune des deux fils est par contraste extraverti et se retrouve embarqué dans le projet à partir du moment où il réussit à convaincre son frère d’aller aider la jolie Kaitlyn dont celui-ci est secrètement amoureux. Le dernier groupe est constitué de Donk et Reevis, deux rednecks absolument idiots qui passent leur temps à filmer les cascades les plus déjantées possibles dans le but d’avoir un maximum de vues sur Youtube. Gary est obnubilé par la cérémonie à tel point qu’il semble délaisser ses fils. La météo s’annonce rageuse, ce qui n’arrange pas ses problèmes d’autant qu’il se heurte au refus du directeur lorsqu’il lui demande de décaler la cérémonie. De plus, Donnie n’est pas là pour filmer, il a confié la tâche à son frère afin d’aider Kaitlyn à réaliser un documentaire dans une usine désaffectée. Les briques sont posées, alors que la team de « chasseurs de tornade » a traqué une tornade se dirigeant (devinez-où ?) vers le lycée et qui semble défier toutes les statistiques antérieures tant par son intensité que par son imprédictibilité.
Gary, séparé de son fils aîné et poussé par un amour paternel sans égal, va vaillamment affronter les différentes tornades qui s’interposent entre lui et Donnie ; Peter est à la recherche de la plus belle prise possible dans l’œil de la méga-tornade qu’on attend tous ; Allison et Jacob eux cherchent seulement à survivre. Les enjeux sont alors clairs pour chacun. Ainsi, les personnages sont soit poussés par des motifs égoïstes, à l’instar de Peter et Jacob ou bien sont déterminés à lutter afin d’être réunis avec celui ou celle qu’ils aiment. En effet, c’est bien l’amour d’Allison pour sa fille qui la différencie de Jacob qui n’a a priori rien à sauver si ce n’est sa peau. En parallèle, on suit toujours nos deux rednecks insouciants, censés apporter une touche d’humour à un film catastrophe. On a du mal à comprendre ce qu’ils apportent au film et surtout au spectateur si ce n’est le renforcement d’un stéréotype négatif des populations du Midwest.
Lorsque Gary et Trey tombent par hasard sur la bande de Peter, ces derniers sont confrontés à un choix moral qui va les marquer au fer rouge d’une valeur morale. Ainsi le choix est soit d’aider son prochain ou de finaliser l’entreprise de départ, c’est-à-dire filmer depuis l’œil de la tornade. Nos premières idées et impressions sur les qualités morales de chacun sont confortées quand Allison se prend d’affection pour le sort du fils de Gary et que Peter lui souhaite se rapprocher de la tornade avant de se laisser convaincre. À partir de ce moment, on peut deviner le pronostic du sort réservé à chacun. On est dans un film hollywoodien, à votre avis, qui survivra entre les personnages poussés par un amour pur et innocent et ceux motivés par un désir égoïste…?
Pendant ce temps, la tornade a frappé la vieille usine désaffectée, coinçant Donnie et Kaitlyn dans les débris. Et comme si la situation n’était pas déjà critique pour les deux lycéens, leur « abri » se retrouve peu à peu inondé par une pluie battante. Tout cela leur permettant de se livrer l’un à l’autre sur leurs sentiments les plus profonds. De manière intéressante, les confessions prennent petit à petit une tournure tragique, d’abord on apprend que la mère de Donnie est morte dans un accident de voiture après une dispute entre eux. Puis ce dernier livre à la caméra ses sentiments envers son père à une caméra, gravant numériquement un testament émotionnel, alors que la situation empire dramatiquement. Point d’orgue du pathos dans le film, alors que la situation semble désespérée, Gary parvient à sauver Kaitlyn et Donnie qui au passage décrochent le record du monde d’apnée. C’est à ce moment que le film, qui battait de l’aile, perd tout son intérêt et qu’on s’oriente vers un happy-ending à l’américaine.
Cependant, tout n’est pas à jeter dans Black Storm. Les scènes d’effets spéciaux sont réussies et impressionnantes. L’impression de chaos est retranscrite à merveille dans les moments de déferlante tant la caméra est instable et les plans se succèdent, ne durant pas plus de deux secondes chacun.
La succession des différents moyens de relater les évènements d’une manière neutre, une idée qui semblait pertinente au départ se heurte à un manichéisme grossier. On aurait aimé voir un film à mi-chemin entre le documentaire et la fiction. Malheureusement, on se retrouve face à une fiction où l’utilisation de la caméra à la troisième personne n’a pas sa justification. Au final, ce sont les relations entre personnages qui nous intéressent, pas les évènements. En ce sens, Black Storm échoue là où Chronicles et autres avaient réussi.
Les personnages restent très superficiels et on a du mal à se retrouver en eux bien qu’on comprenne leurs motivations. Difficile donc de noter une performance extraordinaire de la part des acteurs quand les personnages sont si peu approfondis. À vrai dire, le meilleur rôle du film est celui de la tornade de fin. Bien entendu, l’amour est l’élément essentiel qui permettra de se sortir de toute situation dramatique. On ne parle ici pas d’un amour individualiste mais pur, altruiste et désintéressé. Parce que c’est bien connu, l’amour rend bon et est la vertu qui justifie l’existence à elle seule. Il est donc normal que si vous vous en détournez, vous êtes perdu et n’avez conséquemment pas de raisons de vivre. N’oubliez pas par contre que vous pouvez toujours vous racheter et trouver la rédemption dans le sacrifice de vous-même, à l’image de la décision finale de Peter de se sacrifier pour sauver le groupe. Un message très américain donc, aux sonorités religieuses déjà trop évoqué au cinéma. De plus, ceux à qui on a demandés au début du film de s’imaginer 25 ans plus tard, tous devenus épicuriens magnanimes, ont un message de compassion à faire passer : « ça n’a pas d’importance où je suis, ce que je suis, tant que je suis en vie et que les personnes que j’aime le sont aussi. » Vraiment ? Black Storm, un film à gros budget produit par Hollywood qui veut nous faire croire que la clé du bonheur se trouve dans le rejet de toute forme de matérialisme. C’est un peu l’hôpital qui se fout de la charité non ?
Pour finir, le film catastrophe à l’américaine est symptomatique d’une peur encline dans la psyché collective. La peur de tout perdre, et de ne pouvoir rien y faire. La peur qu’un élément incontrôlable vienne perturber notre harmonie. La peur que tout ce que l’on a créé et possède puisse glisser d’entre nos doigts. À commencer par la destruction des végétaux, des routes, des réseaux électriques de la maison et finalement de la famille. Parce que l’être humain a l’illusion de contrôle, Black Storm est là pour nous rappeler que cette idée n’est qu’un mensonge. Comment lutter contre quelque chose qu’on ne peut contrôler ? Camus dans sa vision de notre impuissance sur un monde absurde, nous orientait vers l’art en tant que rédemption, Black Storm lui, à sa manière, a une autre alternative : l’amour.