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Sous-filiale, les Russes vont-ils réellement participer à l'enquête ?
Publié le 01 septembre 2014 par ToulousewebLa question peut sembler bizarre aprčs l'échec du lancement de 2 satellites de la constellation Galileo le vendredi 22 aoűt dernier. Officiellement entre l'ESA, le CNES et les autorités russes, le bonheur est parfait. Mais quand on se rend sur place on a une toute autre vision des choses.
D'abord si le pas de tir de Soyouz est administrativement dépendant du port spatial de l'Europe ŕ Kourou, il est situé ŕ 30km au Nord de la commune de Sinamari. Dans cette commune, le contingent russe que l'on peut évaluer ŕ 200 personnes vit dans un hôtel, certes confortable mais situé en dehors de la localité. Des services de cars conduisent les Russes au travail, autrement dit il n'y a aucun échange avec la population locale. Quand on circule sur le pas de tir, on remarque de drôles d'inscriptions sur les containers en cyrillique, en français et en anglais : Ť ŕ n'ouvrir que par un représentant russe ť. Lesquels Russes font tout venir de leur pays y compris le kérosčne utilisé dans la propulsion des 2 premiers étages de la fusée du lanceur russe. On est donc loin de la formidable entente entre les peuples clamée par les autorités.
A propos du tir manqué, l'ESA - l'agence spatiale européenne - nous informe de ses démarches et nous indique que les 2 satellites sont en bon état, que leurs panneaux solaires sont bien orientés vers le soleil, ce qui est une garantie vitale pour les machines. Mais les ingénieurs de l'ESA ne sont pas dupes puisque les 2 satellites ont été posés ŕ 6 000km de leur cible. Ce qui signifie qu'ils n'auront pas assez d'hydrazine dans leurs réservoirs pour atteindre l'orbite prévue. Ces ingénieurs expliquent qu'il pensent ŕ exploiter les 2 satellites malgré l'injection sur une orbite non nominale. Différents scénarios sont en train d'ętre élaborés avant de prendre des décisions pour savoir si l'on tente une mission de sauvetage. On voit mal pour l'instant comment on peut récupérer les satellites pour qu'ils fonctionnent dans un programme pour lequel ils n'ont pas été conçus. Si c'était possible, ce serait une premičre.
Question importante : combien de temps faudra-t-il pour identifier la panne qui a conduit ŕ ce que le 3čme étage du Soyouz baptisé Fregat n'a pas atteint son objectif ? Pour le patron d'Arianespace, Stéphane Israël, on saura trčs vite ce qui n'a pas fonctionné. Ce dernier espčre męme un retour du lanceur Soyouz sur le pas de tir de Sinnamari en décembre. Ce n'est pas lui faire injure que de rappeler que les précédents échecs d'Ariane 5 avaient interrompu l'exploitation du lanceur pendant 2 ans. Arianespace avait trčs bien joué le coup en réunissant une commission indépendante- c'est encore le cas pour le dernier avatar de Soyouz. Les clients avaient été associés ŕ l'enquęte et cette transparence maximale avait conduit ces clients ŕ renouveler toute leur confiance au lanceur européen.
Lŕ il nous faut reposer la question que je formulais au début de cette chronique : la partie russe va-t-elle pouvoir coopérer et donner franchement toutes les informations possibles ŕ la commission d'enquęte ? Il s'agit de Roscosmos, les industriels RKTs-Progress et NPO-Lavotchkine. N'oublions pas que M. Poutine est en fait le patron de l'espace russe. Il a limogé plusieurs ingénieurs aprčs les échecs dans les tirs précédents. Et il garde un œil vigilant sur tout ce qui se passe dans ce secteur qui a assuré la solidité de la réputation de la Russie dans cette partie du monde. Mais on le sait, M. Poutine a un gros dossier sous le bras, c'est l'Ukraine dont il a déjŕ annexé une partie.
Nous avons rendez-vous avec Peter Dubock, ancien inspecteur général de l'Esa et président de la mission d'enquęte indépendante qui rendra ses premičres conclusions dčs le 8 septembre prochain. A noter que l'ESA, la commission européenne, les agences spatiales française, allemande et italienne participent aux travaux de la commission. Elles ont comme interlocuteur russe Alexander Daniluk, le directeur général adjoint de TsNIIMASH, conglomérat russe qui a une bonne réputation. En tout cas, quoiqu'on en dise c'est un nouveau coup dur pour le GPS européen Galileo. Nous avons tous en mémoire le bras de fer avec les industriels au moment du lancement du programme qui sera finalement financé sur fonds publics. Si la reprise des tirs a lieu en décembre comme l'espčre Arianespace, le programme aura 4 mois de retard... ŕ ajouter aux 6 ans déjŕ perdus. Ce qui est encore tenable. Espérons que Ť l'allié ť russe ne fera pas défaut car, lorsqu'elle sera complčte, la constellation Galileo comptera 26 satellites en orbite et pour réaliser cette couverture, les Européens ont absolument besoin du lanceur Soyouz.
Gérard Jouany - AeroMorning