Jean Paul Mongin, délégué général de SOS Éducation, réagit pour le magazine Valeurs Actuelles à la nomination de Najat Vallaud-Belkacem au poste de ministre de l’Education nationale.
La perfidie jadis envoyée par Ségolène Royal à l’adresse de son ancienne porte-parole tapait bas : « Elle ne serait peut-être pas là si elle s’appelait Claudine Dupont. » Prononcée par un homme de droite, une telle remarque aurait certainement déclenché l’hystérie médiatique bien-pensante, et l’exécution en place publique du malotru.
Les bonnes consciences ne se doutent pas qu’elles suivent aujourd’hui un raisonnement fort semblable lorsqu’elles radotent de plateau télé en radio matinale : « Une femme, enfin, au Ministère de l’Éducation ! » Alors, quoi, si elle s’appelait Robert Dupont, ses qualités ne lui vaudraient pas son maroquin ?
C’est parce que je veux croire que Madame Le Ministre ne doit pas plus sa nomination à son sexe qu’à son extraction marocaine que je m’interroge. En 2012, Vincent Peillon s’était imposé, comme l’architecte du projet éducatif porté par le candidat Hollande. Il y a six mois, Benoît Hamon avait pu apparaître comme l’homme de l’apaisement, rompu aux tractations syndicales, qui avait mobilisé son réseau d’ancien président de l’Unef pour éteindre l’affaire Léonarda. Mais Najat Vallaud-Belkacem ?
Son envergure laisse perplexe : confier le bercail de l’électorat de gauche, travaillé par les tensions énormes dont a témoigné encore tout récemment la démission du très compétent Alain Boissinot de la présidence du Conseil National Supérieur des Programmes, à une personnalité sans véritable expérience politique de terrain ne va pas de soi. Quelles que soient les qualités de communicante qu’on lui reconnaisse, Najat Vallaud-Belkacem a des relais militants faibles (connaît-on des Belkacemistes ?), et un ancrage territorial plus que léger (elle a été défaite lors de sa seule tentative de briguer un mandat parlementaire en 2007, et en 2012, suite à l’annonce faite par J.-M. Ayrault selon laquelle les ministres battus devraient démissionner du gouvernement, elle retira prudemment sa candidature dans les veilles des législatives). Elle semble bien peu armée pour tenir fermement les rennes du mammouth !
Et elle ne pourra, pour ce faire, se prévaloir d’une quelconque expertise : ayant échoué deux fois au concours de l’ENA, elle est paradoxalement une des figures les moins diplômées du gouvernement, et s’est jusqu’ici plutôt illustrée, du droit des femmes aux sports, dans la promotion d’initiatives symboliques que dans la gestion de dossiers complexes. En tout état de cause elle n’a jamais, depuis son arrivée aux responsabilités, été confrontée aux problèmes dramatiques que rencontre un système à bout de souffle : illettrisme endémique, explosion de la violence, épuisement du corps enseignant… Il est au fond aussi surprenant, au regard de son parcours, de la retrouver à la tête l’Éducation Nationale, de très loin le premier Ministère de la République en termes d’effectifs et de budget, qu’il eût été incongru de la retrouver, mettons, aux Affaires Etrangères.
Et puis il y a ce marquage idéologique détonnant. Car si une ligne de continuité apparaît dans l’engagement politique de Najat Vallaud-Belkacem, c’est bien le service de la cause LGBT : chargée des questions « de société » au PS, rapporteuse d’un projet d’évolution de la loi de bioéthique favorable à la GPA, responsable d’une mission de « lutte contre l’homophobie », porte-parole du gouvernement lors du passage de la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels, elle n’a finalement jusqu’ici mis les pieds à l’école que pour promouvoir l’expérimentation idéologique des ABCD dits « de l’égalité », visant à subvertir les repères des enfants dans la construction de leur identité sexuelle. J’entends bien que Manuel Valls vise à compenser le virage économique libéral pris par sa nouvelle équipe en donnant des gages aux progressistes sur les questions sociétales, mais cela semble tout de même un calcul à très courte vue. Quel intérêt pour lui de relancer la Manif pour Tous, qui peinait à renouveler ses thématiques, et la constellation JRE (Journées de Retrait de l’École) emmenée par l’opiniâtre Farida Belghoul, en leur donnant un aussi magnifique os à ronger ?
Quels que soient les petits calculs de marketing politique ayant présidé à cette nomination, elle ne semble finalement signifier qu’une seule chose : le gouvernement n’a plus de projet à long terme pour l’Éducation.
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