Magazine Bons plans
Prix des lectrices de ELLE 2015 - sélection d'août Document
Ce livre retrace l'histoire de la rafle de la colonie d'Izieu - ses 44 personnes dont 41 enfants saisis au matin du 1er jour des vacances de Pâques 1944, sous l'angle de l'institutrice qui leur fit la classe pendant les 5 mois précédant la rafle.
Il m'a semblé à la lecture du livre que l'angle de l'institutrice n'était en fait qu'un prétexte pour écrire un document sur ce terrible épisode de l'histoire. Or s'il est tout à fait louable de vouloir faire connaître celui-ci, l'angle choisi - qui se voulait sans doute original et sorti des sentiers battus par les précédents livres, m'a paru appauvrir le sujet en nous l'éclairant des yeux d'un témoin les moins directs et décisifs.
En effet, à la lecture du document, j'ai découvert avec stupeur le détail de la rafle mais également la longue marche vers la reconnaissance de ce crime, l'arrestation et l'inculpation des coupables - dont le tristement célèbre Klaus Barbie.
On y apprend également avec étonnement le rôle clé de cet épisode de l'histoire pour condamner Klaus Barbie, lui qui avait déjà été condamné par contumace pour nombre de faits sordides et qui ne pouvait donc être rejugé que pour des faits nouvellement mis au jour.
Dominique Missika retranscrit avec vivacité les moments précédant la rafle - les enfants à la fois inquiets et débrouillards, mais aussi le désarroi qui suivra pour tous les témoins du petit village.
Or dans tout ce récit, le personnage de l'institutrice ne joue qu'un rôle mineur qu'elle-même la première n'a jamais pensé à revendiquer autrement. Alors pourquoi la choisir pour nous faire entrer dans cette histoire alors qu'il y a tant de personnages qui éveillent bien plus notre curiosité et notre admiration, à commencer par la directrice de la colonie, Suzanne Zlatin, véritable héroïne qui, absente au moment de la rafle, n'aura de cesse de traquer les coupables et de vouloir honorer la mémoire des disparus d'Izieu. On pourrait parler également du sous-préfet qui aida la colonie à s'installer, de la monitrice Léa Feldblum survivante des camps etc.
L'institutrice n'a connu les enfants que 5 mois, n'a pas assisté à la rafle, n'a été entendu comme témoin dans aucune déposition ni procès sauf celui de Barbie pour dire que les enfants avaient l'air heureux, a vécu le reste de sa vie très attachée à Izieu mais sans jamais s'investir dans la traque des coupables ou la mise en relation avec les parents survivants.
Un bon document sur la rafle d'Izieu mais il existe sûrement des récits avec un angle plus intéressant sur le sujet.
L'institutrice d'Izieu, de Dominique Missika - Seuil