Rencontre avec Baba-san, le mec cool des Tales Of…

Publié le 01 septembre 2014 par Paoru

Pour cette édition 2014 de Japan Expo, j’ai eu l’occasion de m’immerger plus nettement que d’habitude dans le monde du jeu vidéo. Si la rencontre avec Sakaguchi (le créateur de Final Fantasy) n’a pas forcément tenu toutes ses promesses, celle avec Hideo Baba fut pleine de bonnes surprises.


Hideo Baba – photo Lōlu Photography

Hideo Baba, que tout le monde a fini par appeler affectueusement Baba-san sur la salon, est producteur pour Namco Bandai depuis une décennie, avec une vingtaine de titres à son actif, mais il est avant tout connu pour son travail sur la saga des Tales Of, que tous les fans d’anime et de manga connaissent pour les multiples adaptations et un chara-design original signé par Kosuke Fujishima, l’auteur d’Ah ! My Goddess. Pour ceux qui ne connaissent pas du tout disons simplement que dans le domaine des RPG nippons, la franchise Tales Of est la 3e la plus importante après Final Fantasy et Dragon Quest. Pour en avoir apprécié différents volets sur différents médias, c’est avec plaisir que je suis allé à la rencontre de cet homme qui m’avait tout l’air d’un nounours plutôt sympathique depuis la vidéo envoyée pour sa venue au Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte :

Et sur place, c’est bien un mec vraiment cool que nous avons pu rencontrer en tête à tête : affable, souriant et d’une politesse à toute épreuve malgré ses horaires marathoniens entre interviews et dédicaces. Une crème comme on dit, qui allait jusqu’à faire lui-même le ménage dans sa salle d’interview. Et en plus d’être sympathique, il était intéressant. Donc trêve de digression, et en route pour l’interview !

Bonjour Hideo Baba…

Quand avez-vous décidé de devenir un professionnel du jeu vidéo, quel a été le déclic ?

A l’époque de la NES il était possible de programmer soi-même quelques jeux. Je me souviens qu’à la fin des années 80, lorsque j’étais encore au lycée, j’ai commencé à lire des livres sur la programmation et je me suis mis à créer des jeux de shoot assez simples. Donc j’ai toujours aimé créer et développer des jeux, et je savais déjà à cette époque que je voulais travailler dans ce secteur.

J’étais aussi un amateur de jeu vidéo en tant que joueur, j’aimais beaucoup le travail de Yuji Horii sur Dragon Quest, que ce soit pour tout l’univers qu’il a créé, le scénario et ses rebondissements, ses personnages ou encore le graphisme d’Akira Toriyama.

Puisque l’on parle de figures marquantes, quel est pour vous celle qui a le plus influencé le RPG en général ?

En fait je ne citerais pas quelqu’un de l’univers du jeu vidéo mais plutôt JRR Tolkien, l’auteur du seigneur des anneaux car il a énormément apporté à tous l’univers de base des RPG : il a créé des races, des lieux, une langue elfique et tout un univers extrêmement détaillé… Je pense qu’il est vraiment important dans l’esprit et l’imaginaire des créateurs de RPG.

Lorsque l’on vous demande quel est l’élément clé de la saga des Tales Of, vous dites qu’il s’agit de la coexistence… Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

Ce concept de coexistence est né dès le début, dès Tales of Phantasia, et nous le déclinons depuis à différents niveaux : la coexistence entre les hommes et les animaux, celle entre industrie et magie ou même avec les hommes entre eux lorsqu’ils sont issus de différentes nations, religions, etc. Ce genre de coexistence est souvent très compliqué à obtenir, mais elle est essentielle. Parfois elle parait naturelle, comme dans le domaine des arts avec des œuvres qui peuvent exister indépendamment de leurs auteurs et de manière universelle. Mais, la plupart du temps, c’est beaucoup plus complexe et il y a de nombreux échecs ou marches arrière qui débouchent sur des tensions et des guerres. Cependant les personnages des différents opus de Tales Of la recherchent toujours avec beaucoup d’ardeur et, lorsqu’ils arrivent à concrétiser cette coexistence, c’est vraiment une grande satisfaction.


Hideo Baba – photo Lōlu Photography

Et d’ailleurs, même si ce ne sont que des jeux vidéo, c’est aussi une façon pour nous de passer un message pour que les gens comprennent qu’il n’y a pas une bonne religion et une mauvaise religion par exemple, et que l’on doit apprendre à vivre ensemble.

On reconnait toujours un opus de Tales Of en un clin d’œil, donc comment innover en conservant cette identité visuelle forte ?

Au départ la saga a débuté en 2D avec Tales of Phantasia, puis nous en sommes venus à 3D avec du cell shading sur Tales of Symphonia, mais les personnages conservaient le même style, avec un aspect un peu chibi, qui n’était pas à taille humaine. Après nous avons continué d’utiliser la 3D et les polygones pour les autres Tales Of et les personnages se sont petit à petit rapprochés de la taille humaine. Donc finalement dans leur rendu ou dans leur squelette les personnages sont différents d’un Tales Of à un autre mais ils conservent un chara design toujours très proche de celui des mangas et des animes – c’est encore plus flagrant sur les cinématiques –  et c’est sans doute ça qui constitue l’essence visuelle de la série.

Vous avez travaillé à de nombreux Tales Of, quelle est votre principale contribution à cet univers selon-vous, celle qui vous correspond le plus ?

Le système de combat je pense. C’est là que j’ai le mis le plus d’efforts et de moi-même. Donc si vous pensez qu’il est bon ou qu’il a bien évolué alors je suis d’accord pour dire que c’est mon travail ! (Rires)

Dans les RPG vous devez souvent monter les niveaux de vos personnages. Dans le monde du RPG on appelle ces phases le Level Up. Vous devez alors affronter les mêmes ennemis des centaines de fois, encore et encore. Et si jamais le système de combat est mal conçu, ces phases sont alors terriblement ennuyeuses, vous vous dites « ah mon dieu, c’est trop long, je veux passer à autre chose ! ». Je mets donc toujours la priorité sur le dynamisme du système de combat, pour en faire quelque chose de rapide et prenant. C’est un peu ça, ma signature.

Quel est votre Tales of favori ?

Tales of Phantasia, le premier. Il a beau avoir bientôt 20 ans, il contenait déjà tous les éléments de base de la saga : le visuel, l’importance de l’histoire, la coexistence évoquée plus haut, le système de combat, etc. En ça il était donc vraiment marquant.

Et les smartphones dans tout ça ? Quid de Tales of sur ce support ?

Au Japon nous avons sorti une version RPG Tactique pour Iphone et Android, Tales of the World, Tactic Union, mais il s’agissait plus de faire plaisir aux fans des différents personnages de la saga. C’est d’ailleurs pour ça qu’il n’a pas été proposé en dehors du Japon, car certains personnages vous seraient inconnus.

D’une manière générale je préfère sectoriser les expériences de jeu, sur console d’un coté et sur smartphone de l’autre, plutôt que de proposer un même jeu en différentes versions pour tous les supports. Je préfère que l’on développe les jeux principaux de la saga sur console puis créer ensuite des épisodes spéciaux pour mobile, dérivés d’un épisode de la saga ou mixés à partir de plusieurs d’entres eux.

En espérant en voir débarquer prochainement en Europe alors… Merci Baba-san !

Pour les fans de la saga Tales Of et les simples curieux , je vous conseille deux autres interviews de Baba-san sur le Playstation Blog et en anglais sur JPGames.de. Pour plus d’infos sur le tout dernier Tales Of Xillia 2 qui vient de sortir, je vous renvoie vers notre analyse détaillée du jeu, sur Journal du Japon. Et pour plus de vidéos sur ce dernier, direction le site de Namco Bandai !

Tales of Xillia 2 et sa mascotte – photo Lōlu Photography

Remerciements à Hideo Baba et à notre interprète, tous deux souriants et accueillants malgré la fatigue, ainsi qu’à toute l’équipe de Namco Bandai pour la mise en place de cette interview.