Très joli programme pour ce vendredi qui s’avère glacial, heureusement le rock tient chaud même si les artistes de ce soir ont parfois de quoi donner des frissons, comme le grand Jean-Louis Murat, fantôme revenu de la scène française d’antan.
Balthazar est en pleine installation sur la grande scène lorsqu’on arrive sur le site du festival encore clairsemé. Un décor sobre et beau comme on les amène, on se croirait au théâtre. Ce groupe belge disperse ses morceaux en toute simplicité, on déplore un léger manque de rythme qui se fait redondant à la longue. On a envie de rendre ce combo bien comme il faut un peu plus sauvage. Un groupe qui a sorti son dernier single, Leipzig, et qui a un phrasé bien accrocheur. Un groupe à laisser mûrir.
Adieu Gary Cooper joue sur la scène Abraxas, réservée aux artistes suisses. Ce groupe se définit comme « une immersion inédite dans le monde planant du garage west-coast, dans les déserts de Neil Young, dans les échos à bande de Spacemen 3, dans les bidouillages des « early » Stephan Eicher et les expérimentations de Christophe mais également dans la chaleur ondoyante des tropiques par la grâce naïve d’une guitare lapsteel infinie et lancinante. En bref, le Velvet et Bashung en vacances aux Caraïbes. » Et c’est bien là est le problème, ils n’iraient pas en vacances aux caraïbes. Malgré une scène avec des techniques intéressantes et des bons musiciens n’est pas Jean-Louis Murat qui veut ! Alors parfois mieux vaut juste ne pas chanter en français, sinon la langue a mal !
Le vendredi sera mélancolique ou ne sera pas avec Jean-Louis Murat and the Delano Orchestra. Il est là Jean-Louis Murat fidèle à lui-même, figé dans le temps, étriqué sur son coin de scène. Le regard perdu au loin, il parle ses textes à la beauté indemne. Car c’est là que réside son talent des mots à la poésie délicate. La dépression nous guette mais dans cette ambiance, il y a quelque chose d’irréel : l’homme et son groupe au milieu de la forêt : paradis ou enfer originel. Le public est figé lui aussi, saisi. On est bien loin de l’Auvergnat de Brassens, Jean-Louis partage le lieu pas l’humeur. Si on tente une photo-portrait en gros plan, il ne faut pas compter sur un sourire. Jean-Louis Murat a invité avec lui The Delano Orchestra qui alterne avec ses propres chansons. La voix de Murat est restée intacte avec ses vibratos incontournables. Une question me quête pendant tout le concert : Mais pourquoi est-ce qu’il n’écrit pas de livres ? En tous cas, il représente encore fièrement la place d’auteur-compositeur-interprète français ayant échappé à la pop et aux paroles tout faites et rien que pour cela, il vaut le déplacement. Un monument culturel qui tient debout.
Au passage, on remarque la silent party toujours pleine à craquer où des jeunes dansent casques sur les oreilles scintillant sur des sons dont ils détiennent le mystère, le bar à vin où l’on sert de nombreux crus dans des verres à pied, les toilettes à copeaux…décidemment ce festival connaît plein de micro-lieux parmi lesquels on déambule variant les ambiances.
Other Lives, avant dernier de la grande scène, est un groupe de ricains aux allures d’enfants sages : des cordes, des basses, plein d’instruments qui tapisse un fond de musique douce. Ils sont en pleine exaltation ces hippies chics de l’Oklahoma. On vacille entre l’ancestral et la nouveauté. Une autre vie est possible ont vous dit !
Duck Duck Grey Duck, voilà un groupe bien sympathique qui distille un rockabilly de surfeurs hawaïens. Ce trio nous amène du soleil (enfin !) et on swingue en toute simplicité. Le chanteur Robin Girod, membre de Mama Rosin est d’une classe incontestable, en conservant son côté humble, il est accompagné d’un très bon batteur Nelson Schaer, qui pour une fois tape souriant.
Les américains de Kaiser Chiefs ont l’avantage de faire danser le For Noise et ceci d’emblée. Voilà un chanteur qui sait faire son show ! Il cherche à prendre de la hauteur sur tous les amplis. Vite, vite les soutien-gorge pleuvent sur scène et finissent accrochés à la batterie ! Voici le groupe de rock qui vous fera danser sans temps morts ! Déhanchement incontrôlé allez-y ! En tous les cas, ils ont l’air de bien s’éclater et de rigoler comme des fous, bravo ! A écouter sans modération.
Pour finir sur ces pas de danse, un groupe qui joue aussi bien son rôle : The Giant Robots, tout en noir et blanc, ils nous font swinguer jusqu’au petit matin.
Et on repart content, en pleine béatitude, merci au For Noise d’être encore un petit havre de découvertes préservé !