Son ventre de lune pointait l’absolu. Maude était étendue sur le lit qui épousait les courbes de son corps. Elle se détendait, fermait les yeux, le temps de me laisser visualiser le tableau. Moi, l’artiste, j’allais peindre cette femme, cette amie, qui allait donner la vie ! Ce moment unique et partagé me donnait le privilège de rendre sur papier la splendeur de la maternité.
Le rideau diaphane filtrait la lueur du jour. C’est au moment précis où un rayon de lumière fit scintiller ses seins et son ventre lourd que je lui suggérai de conserver cette position. Ses cheveux courts balayaient son front, lui conféraient un style original et affirmé. L’ensemble de la scène m’imprégnait d’un état de grâce.
Avec mon pinceau, je faisais danser les pigments et l’eau pure sur la feuille de papier, tout en discutant. J’ai pensé qu’une partie de son histoire pourrait intéresser…
Adolescente, Maude avait une vision assez catégorique de son avenir. Elle affirmait ne pas désirer d’enfants. Les raisons qui l’emmenaient à penser ainsi étaient les suivantes : elle ne voulait pas offrir à un enfant une terre où règnent la consommation excessive, la corruption, la pollution, l’injustice, la pauvreté, le capitalisme, l’individualisme. Les gestes qu’elle posait entraient en contradiction avec son pessimisme. Elle disait souvent : « Quand on en a la volonté, il est possible d’améliorer sa santé… Tout comme, ensemble, il est possible d’améliorer celle de notre environnement. »
Au début de la vingtaine, elle ressentait un « vide » à l’intérieur d’elle-même. Un désir puissant la dominait : l’appel de la maternité. Au-delà de tout, elle était convaincue que l’enfant qu’elle porterait allait être entre bonnes mains. Dans sa tête, les questionnements se bousculaient. Elle changea donc d’opinion sur la procréation : n’était-ce pas le rôle premier de la femme que de donner la vie ?
C’est alors qu’un premier, puis un deuxième bambin, dont les grossesses n’avaient pas été orchestrées, virent le jour. Maude croit que l’enfant choisit sa mère, qu’il vient à elle pour la faire s’épanouir et faire évoluer son âme. Elle a toujours fait confiance à la vie et ses « enfants surprises » sont les éléments essentiels de sa grande richesse.
La jeune famille a vécu en pays étranger pendant plusieurs années. Diverses raisons ont provoqué la séparation d’avec son conjoint. Battante, elle gardait l’espoir de se rebâtir un monde et décida de rentrer au bercail, près des siens.
C’était un de ces jours de printemps, où l’air frais nous envoûte, qu’elle recroisa le regard d’un homme qu’elle connaissait depuis toujours. Ne le voyant plus comme un ami, mais bien comme celui qui contribuerait à sa joie quotidienne, elle se sentit comblée, amoureuse. Le temps a prouvé qu’elle avait raison. Dix ans avaient passé depuis la naissance de sa seconde fille. Et, en ce jour, Maude s’apprête à cajoler son troisième enfant.
C’est par choix et avec plus d’expérience qu’elle recommence l’aventure. Ce qui est certain, c’est que peu importe quand et comment elle y est parvenue, le bonheur indescriptible d’accueillir son enfant est le même !
Virginie Tanguay
Notice biographique
Virginie Tanguay vit à Roberval, à proximité du lac Saint-Jean. Elle peint depuis une vingtaine d’années. Elle est