Je m'en suis vanté il y a quelques heures à peine: la semaine passée, pendant ma dernière semaine de vacances, j'ai fait deux trucs un peu dingues au téléphone, un moyen de communication que je n'adore pourtant pas particulièrement...
Si je vais attendre un peu avant de vous parler du second coup de folie, ne perdons en revanche pas plus de temps, dans la foulée de ma chronique sur le dernier album de Zebda, de vous livrer le contenu du premier, à savoir mon itw exlusive avec Hakim, un des membres fondateur du groupe Zebda qui a accepté, avec toute la générosité qui est la sienne de répondre pendant plus d'une demi heure à toutes les questions que j'avais à poser au groupe.
Evidemment, il manque à cette itw l'accent toulousain si emblématique des membres du groupe ( e fameux accent qui fait d'ailleurs l'objet d'une des chansons de l'album, le groupe déplorant qu'il disparaisse peu à peu des rues de leur cher Toulouse), mais avec un peu d'imagination, on va faire comme si il y était, pas vrai?
ITW exclusive avec Hakim AMOKRANE, chanteur du groupe Zebda:
Hakim : Oui, on nous le dit pas mal en ce moment, mais ca n'empêche pas que ca fasse toujours aussi plaisir de l'entendre (rires), ca nous donne un coup de fouet qui ne peut pas nous faire de mal, évidemment..
Baz'art : Commençons cet entretien, si vous le voulez bien, par le morceau qui ouvre l'album. Il s'appelle "L'envie" et cela ne semble pas être anodin, tant ce mot semble être très important pour vous tous. Doit on le voir comme un hommage à Johnny ou est- ce plus sérieusement une facon d'affirmer votre enthousiasme de retravailler ensemble deux ans après "second Tour" qui vous voyait revenir après une pause musicale de 8 ans?
Ah, effectivement on n avait pas pensé du tout à l'hommage à Johnny (rires)... non, bien sûr, ce qui importait c'était de marteler cette envie qu'on garde plus que jamais ancré au fond de nous, malgré tous les aléas de la vie pas toujours bien gais, on garde toujours cette envie de délirer musicalement, "l'envie de partir en live" (NDRL , une des paroles de ce morceau), de "casser des bouches" comme on dit chez nous à Toulouse. Mais en même temps, c'est une envie à la façon Zebda, c'est à dire en portant un regard qu'on veut plein de tolérance sur le monde et les gens.
Baz'art. L'album a une tonalité moins sombre et desespérée qu'on pourrait le croire au vu de la société actuelle qui ne doit pas vraiment correspondre à vos idéaux..Comment réussir à trouver encore de l'espoir et de la motivation alors même que vous êtes un peu une sorte de porte parole des victimes de notre société qui n'ont pas droit à la parole?
Hakim : Il faut bien qu'on en trouve, de l'espoir et de la motivation, sinon on serait mal barrés... On est avant tout des artistes, et on considère que c'est notre rôle de donner de l'espoir à ceux qui nous écoutent, de ne pas s'enfermer dans le pessimisme ambiant.
Après, en tant que citoyen, c'est sur qu'il y a des raisons d'être désespéré, on en croise tout le temps autour de nous, des gens vraiment détruits par la société actuelle et si nous ne voulons pas être un porte drapeau ou porte parole (on se méfie de ce genre d'expressions toutes faites) , on peut parfois être le relais de ces gens là.
Comme on le dit dans le morceau "le Panneau " on n'est que bléssés, il faut qu'on se venge" , on a compris au moment de l'adolescence, quand on commence à réfléchir un peu qu'on était plus du coté des indiens que des cowoboys, des dominés que des dominants, et les Cherokees ne sont pas la tribu la plus gentille qui soit.
Mais évidente si vengeance y est, elle se doit être pacifique, elle doit passer par la musique et par le fait d'écrire- on l'espère- de beaux textes. Mais je le redis, on a tellement la chance de faire ce métier, de s'éclater sur scène qu'on ne peut pas se permettre de se plaindre et qu'on doit au contraire dans nos disques trouver des motifs d'espoir et d'en faire profiter à ceux qui nous écoutent...
Baz'art Votre disque frappe, comme vos précédents d'ailleurs, par votre souci constant d'aborder des thèmes graves et même douloureux mais en évitant tout pathos et misérablisme, et pour cela en usant de pas mal de métaphores, et surtout en les accompagnant de mélodies toujours festives et entrainantes. N'avez vous pas la crainte que les auditeurs se laissent trop emporter par le rythme des mélodies et oublient d'écouter des textes qui ont pourtant un sens indéniable?
Hakim : Ah, on espère que les gens font les deux, danser et écouter les textes aussi... mais si ce n'est pas le cas, tant pis, si nos morceaux peuvent déjà leur permettre de se lâcher, d'oublier leurs problèmes et d'être pris par le rythme de nos mélodies, ca sera déjà ca de gagné...
Et puis, cet album, il est avant tout fait pour être joué sur scène, nous sommes avant tout un groupe de scène, et en concert, on espère que les gens puissent autant danser et faire la fête et écouter ce qu'on a à leur dire... Les concerts de Zebda ne sont certes pas des messes, mais on aime y porter les messages similaires que ceux qui sont dans nos disques, mis de manière plus explicite, donc en général on arrive à les faire passer facilement de cette manière ce qu'on a à dire, rassurez vous...
Baz'art. Votre premier single, "les petits pas" possède un potentiel tubesque évident, il fait d'ailleurs pas mal penser à "Tomber la chemise", votre tube interplanétaire d'il y a presque 20 ans. Vous avez d'ailleurs fait un très beau clip aux couleurs chatoyantes et inventé une chorégraphie spéciale. Est ce que vous avez bien dans la tête cette idée de refaire le coup de "Tomber la chemise" et est ce que vous ne serez pas un peu déçu si le titre ne marche pas aussi bien?
Hakim : Ah oui, ils sont sympas, notre clip et notre choré, pas vrai? ( rires)... Non non, sérieusement, on n'a nullement l'intention de refaire le coup de "Tomber la chemise", comme vous dites, c'est tellement impossible de renouveller un tel miracle... et puis, le coup de Tomber la chemise, il faut avouer qu'on l'a jamais senti venir... c'est un morceau qu'on sentait pas du tout, qu'on voulait meme pas mettre sur l'album et on est vraiment tombés des nues avec le succès qu'on a eu..
Non, "les Petits pas", il faut savoir qu'avant tout, on l'a écrite et composé pour s'éclater et pour revenir avec une certaine nostalgie et surtout beaucoup de plaisir sur ces années où on allait s'éclater sur la piste de danse de ces bars et boites de nuits de notre région, en dansant sur des musiques funky.
On tenait énormément à faire un album avec des titres bien funky, un genre musical qu'on adore mais qu'on avait pas encore exprimé musicalement, et le fait de travailler pour la première fois avec Yarold Poupaut qui vient du funk a apporté un coté plus rock, plus funk qui va parfaitement le morceau... Après, si le morceau est un tube, tant mieux et si il ne l'est pas, c'est pas grave, on continuera à "prendre la scène comme on prend le maquis", comme on le dit justement dans les Petis pas, un credo qui colle bien à l'esprit du groupe.
Baz'art. Cet album signe votre première collaboration à la réalisation avec Yarol Poupaud, le guitariste de FFF. Comment s'est faite la rencontre? Vous vous connaissiez auparavant et qui est à l'instigation de cette rencontre?
Hakim : En fait, c'est la maison de Disque qui est à l'origine de cette collaboration. En fait, voulait bosser avec un réalisateur français après avoir longuement travaillé avec un américain sur nos précédents albums (le new yorkais Nicholas Sansano). Et comme lorsqu'on est repartis après notre pause musicale, nous sommes passés de 7 à 5 on s'est retrouvés sans guitariste (et sans batteur), on devait en trouver comme réalisateur de l'album et l'idée proposée par Barclay nous a semblé vraiment pertinente.
On se croisait pas mal avec Yarold, on avait joué ensemble notamment sur des tournées FFF est un groupe de la même génération que nous, les années 90, on a quand même les mêmes références donc forcément ca ne pouvait que coller entre nous.
Baz'art. A ce propos d'ailleurs, en quoi la collaboration avec Yarol Popauld a t-elle modifié quelque chose dans le son de Zebda pour ce nouvel album?
Hakim : Comme je l'ai dit pour "les petits pas", Yarold nous a amené ce qu'on recherchait, à savoir un son plus funky, plus rock, un peu à la James Brown. Et puis, et on en est vraiment fier, on a réalisé cet album à 4 (Magyd, Mouss, Yarold et moi) en live avec un son enregistré en direct, un son qu'on ressent vraiment sur l'album, je trouve.
On a pas mal discuté avec Yarol pour arriver à trouver une énergie telle qu'on l'imaginait, et vraiment on est très content de ce qu'il est venu nous apporter sur ce disque.
Baz'art : Concernant plus particulièrement le processus de l'écriture, comment se déroule t-il précisemment? Magyd (Cherfi) est crédité comme auteur exclusif des textes sur le livret, mais j'imagine que c'est avant tout collégial. Dans ce cas, dans quelles mesures les autres membres du groupe interviennent dans l'écriture d'un morceau?
Hakim : Evidemment, l'écriture est un exercice collectif, Magyd ne fait pas tout tout seul dans son coin, mais c'est lui qui apporte la première base. Parfois, l'un de nous propose un thème qu' on aimerait vraiment voir aborder.
Par exemple c'est Mouss qui a souhaité qu'on traite du sujet des chibanis car c'est un sujet qui lui tenait vraiment à coeur.
Ensuite, une fois qu'on a dégagé des thèmes, Magyd nous propose alors une base de travail, et nous, sans jamais changer le sens initial du morceau, on essaie de trouver les petites phrases qui le mettent en valeur du mieux possible.
Baz'art. Pour continuer sur cette question de l'écriture des textes. Pourriez vous nos dire quel a été le morceau le plus difficile à écrire et à mettre en musique, et pour quelles raisons?
Hakim : Incontestablement,ca a été justement "les Chibanis" dont je vous ai parlé à l'instant, qui a été le plus long à finaliser. Il faut savoir que "Comme des Cherokees" est de loin notre album qui s'est fait le plus rapidement, en 14 mois seulement, et, si ca a coulé pour presque tous les morceaux, on a eu un peu plus de mal avec ce morceau qui abordait ce thème pas évident des anciens immigrés qui ne peuvent pas revenir dans leur pays natal, au risque de perdre leur traite, et qui restent vivre dans des foyers froids et sans âme.
On y est revenus plusieurs fois, essayé plusieurs instruments pour voir si ca collait au texte et une fois qu'on a notamment trouvé la mandol et le darzouka pour accompagner le texte, la mayonnaise a bien pris...
Baz'art. Sur un plan plus politique, quelle est votre vision de la politique actuelle et du désenchantement que l'on ressent un peu partout?
Hakim : C'est amusant, car depuis qu'on fait la promo de cet album, on nous parle presque constamment que de politique, alors que nous au départ on aimerait surtout parler de musique.
Ceci étant dit, évidemment que ce qu'on voit de la politique actuellement nous désole... On voit bien que ces 15 dernières années, la parole raciste, islamophobe, homophobe s'est libérée et cela nous fait vraiment peur... et puis, je vous l'accorde, on pourrait totalement perdre nos illusions de voir ce que fait la gauche au pouvoir, mais encore faut il qu'on en ait eu des illusions, vu que la gauche au pouvoir nous avait toujours déçu, on savait que ca allait être cette politique socio libérale qui n'est pas celle qu'on aimerait voir mise en place.
Mais bon, comme je l'ai dit au début de l'entretien, on ne peut pas, vu notre statut d'artiste, baisser les bras, on est par exemple totalement d'accord sur le principe d'aller chanter dans les villes où le FN est à la municipalité, si on est invité, car on ne va pas pénaliser les 80% de gens qui n'ont pas voté pour eux...
Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'on continuera à prendre la parole pour dire ce qui nous révulse ou nous choque, mais on ne peut pas non plus l'utiliser à tort et à travers...
Si en 1995, on avait écrit une chanson "le bruit et l'odeur" pour rebondir sur des paroles de Jacques Chirac qui nous semblait vraiment racistes, actuellement, il faudrait faire un triple album là dessus, et franchement on n'a pas envie de ne parler que de cela..on possède les disques et surtout la scène comme seule arme à notre portée, il faut l'utiliser du mieux possible....
Baz'art. Justement, en parlant de scène, "Comme des cherokees" est un album qui semble peut-être encore plus que les autres, concu pour la scène..comment envisagez vous cette prochaine tournée qui s'annonce très rapidement, dès le 13 septembre et jusqu'à la fin de l'année?
Hakim : On l'envisage parfaitement.. comme on le dit toujours, on est avant tout un groupe de scène, capable de jouer partout, dans les petits bals du village comme dans les grandes salles. Là, on a déjà eu la chance de monter sur scène sur une centaine de dates, on y a joué 3-4 titres de notre dernier album et tous les incontournables tubes Zebdaiens. Notre guitariste est tout nouveau dans le groupe (ce n'est pas Yarol Poupault, mais ce dernier viendra peut etre faire quelques featuring sur nos dates parisiennes), il fallait qu'on se rode avec lui pour que la machine soit bien huilée) et là, on est bien pret à s'éclater sur scène avec les gens, on la sent vraiment bien cette tournée...
Et bien, ce qui est certain c'est que de mon coté, j'irais m'éclater avec vous pour vous voir lorsque vous passerez à Lyon ( le 18 octobre au radiant de Caluire)... Merci beaucoup Hakim d'avoir pris toute votre temps de répondre à mes questions et je souhaite tout le succès du monde à cet excellent opus!!