Marcus Goldman a publié un premier roman au succès retentissant qui a fait de lui la star de la vie culturelle new-yorkaise. Mais vient maintenant le moment de transformer l’essai et de livrer son deuxième roman. Or, rien. La page blanche. L’angoisse. Aucune inspiration. Son éditeur fait monter la pression pour qu’il honore son contrat. Alors, Marcus se tourne vers Harry Quebert, son mentor, son ancien professeur d’université, son ami, auteur lui-même d’un roman magistral et dont le talent est reconnu par tous. Harry vit retiré dans sa maison au bord de la mer à Aurora, une petite ville du New Hampshire. Mais tout bascule lorsque les medias annoncent qu’on vient de retrouver un cadavre dans le jardin de Harry, un squelette, celui d’une jeune fille de quinze ans qui a disparu plus de trente ans auparavant. Aux policiers, Harry avoue qu’il connaissait la jeune Nola, qu’il a même vécu une histoire d’amour avec elle, alors qu’il avait trente-quatre ans. Et qu’il a même écrit son livre-phare pour elle. Le voilà, ce coupable idéal, ce pervers pédophile, conspué par toute l’Amérique. Marcus décide alors de laisser en suspens ses problèmes d’écriture et de prouver que Harry Québert n’a pas commis le crime dont il est accusé et savoir ce qu’il s’est réellement passé, au mois d’août 1975.
Ce qui est très déroutant, dans ce roman, c’est qu’on se demande souvent à quel genre on a affaire. Roman policier, roman de moeurs, satire de la société ou même du monde du livre, romance. Il y a un peu de tout ça et il serait dommage de se cantonner à une seule de ces lectures, on serait forcément déçu. Certains aspects m’ont beaucoup plu, d’autres moins, parce que je les ai trouvé un peu cliché. Mais dans l’ensemble, j’ai beaucoup aimé l’histoire que l’on m’a proposé et je n’avais de cesse de me demander qui a tué Nola Kellergan et surtout pourquoi. Petit à petit, de révélation en témoin, de point de vue en contradiction, on reconstitue comme un puzzle les événements de l’été 1975, au fur et à mesure de ce que Marcus apprend de Harry lui-même ou de tous les autres personnages qui étaient là et qui n’avaient rien vu: le chef de la police, la serveuse du restaurant, l’amie, le riche propriétaire… On s’attache petit à petit à chacun de ces personnages, qu’on apprend à comprendre, que l’on voit à plusieurs époques de leur vie et on se rend compte que finalement, Aurora est un huis-clos à l’échelle d’une ville où chacun avait peut-être un petit quelque chose à se reprocher.
Le rythme est donc particulièrement efficace puisqu’on suit plusieurs histoires parallèles dont chacune amène son lot de questions. Qui était au courant pour Nola et Harry? Pourquoi le père de Nola mettait-il la musique aussi fort dans son garage? Marcus va-t-il profiter de cet étalage sordide sur son mentor pour en tirer son prochain roman à scandale? Qui cherche à l’empêcher d’enquêter avec des menaces et lettres anonymes? L’histoire ne cesse de se compliquer, de se ramifier, de revenir en arrière pour se modifier, nous réservant un bon nombre de retournements de situation dans le dernier quart. Comme j’ai découvert ce livre dans sa version audio, je dois avouer que j’étais littéralement suspendue aux lèvres du lecteur pour entendre la suite.
Le pan qui m’a le moins convaincu est peut-être celui de l’histoire d’amour, que j’ai trouvé peu convaincante. Même si l’obsession de Harry pour Nola fait volontairement référence à la Lolita de Nabokov, leur relation qu’on attendrait au moins sulfureuse ou passionnée reste bien platonique pour ne pas dire plate tout court. S’il cherche probablement à apporter un peu de pureté dans ce monde pourri, j’ai l’impression que ça se fait au détriment du réalisme. Le style d’ailleurs cède un peu trop souvent aux clichés de langage, aux phrases un peu toutes faites et préfabriquées (je n’ai pu retenir un soupir agacé avec le “On ne naît pas écrivain, on le devient”). Heureusement, quelques jolies trouvailles comme les coups de téléphones hilarants de Marcus à sa mère hystérique font contrepoint.
Pour ce qui est de la version audio, même si j’ai trouvé la lecture du Thibault de Montalembert assez agréable, je l’ai tout de même trouvée un peu monocorde, surtout pour le nombre de personnages et de dialogues: j'ai eu parfois du mal à savoir qui parlait.
La note de Mélu:
Un roman qui mérite ses prix.
Un mot sur l’auteur: Joël Dicker (né en 1985) est un écrivain suisse.