L’employé était très gentil. Quand il m’a expliqué les choses, j’ai eu l’impression de suivre. “Thermique”, ça voulait dire que ça l’engin n’était pas branché sur un fil électrique mais qu’il fallait y mettre du gasoil. Je me suis bien fait préciser “gasoil”. Il faut fixer un tuyau au robinet d’eau et le relier à la machine. Ensuite, on ouvre l’arrivée d’essence. Il y a un bouton pour régler l’accélération. Pour démarrer, il faut le mettre au minimum. L’eau sort sous pression par une lance. Le type parlait d’un pistolet, je ne voyais pas de quoi il voulait parler avant qu’il ne me montre de quoi il s’agissait. Je ne suis pas une buse mais en sortant du magasin, j’étais inquiète. Rien que pour installer le nettoyeur haute pression à l’arrière de la voiture, il m’a aidée. “Vous êtes sûre que vous allez y arriver ?” il répétait. S’il le faut, je demanderais de l’aide au voisin. Il m’a laissée partir.
Au bout d’une heure, l’engin fut secoué d’un “poup-pou-poup” et le silence régna de nouveau. Angoisse suivi du diagnostic : il fallait que je ravitaille en essence. Ma montre indiquait 12 h 20. Je devais rendre le matériel avant 15 h. Pour le moment, il me fallait un bidon. Je furetai partout dans la maison et le garage pour finir par trouver un jerrican. J’hésitais un peu à le sacrifier car une fois parfumé à l’essence...
A la station service, j’ai à peine commencé à le remplir que l’essence - pardon, le gasoil, vous croyez que je ne suis qu’une écervelée ou quoi ? - commence à me glisser sur les chaussures. Une énorme fente parcourt le bidon en diagonale. Je me résous à n’embarquer que quelques litres.
La bataille dure depuis plusieurs heures. Je me suis accrochée aux rosiers. Je me suis projetée de la boue dessus. Je ne suis que vapeurs d’essence et de transpiration.
J’ai trouvé un système pour charger de nouveau l’engin dans la voiture mais lorsque je me retrouve dans le magasin pour le restituer, je suis dans un état d’épuisement total. Il y a de l’attente. Je m’assois à même un présentoir, la tête entre les mains. Vidée mais fière de moi.
Le loueur m’adresse la parole. “C’est à vous, monsieur”.
Je levais la tête pour vérifier dans son regard le degré de perfection atteint par le processus de changement de sexe. Manier le nettoyeur haute pression m’a faite homme.
* Ce texte m'a été envoyé par une lectrice anonyme qui prétend vouloir participer à un concours lancé sur le net qui propose de changer de sexe. Bien évidemment, j'ignore totalement de quelle type d'ineptie il s'agit. Je publie cependant ce billet qui me paraît avoir un intérêt sur le plan pratique.