Quand Steve Jobs a demandé à Philippe Starck de concevoir un yacht pour lui, le designer français a exulté. Avant de déchanter face à l’ingratitude du fondateur d’Apple qu’il pensait être son ami. Dans le numéro de septembre de Vanity Fair, le designer français raconte, « pour la première et la dernière fois », les dessous d’une construction pharaonique et d’une bataille d’égos tout aussi démesurée. La bévue d’une standardiste aurait pu empêcher le prodige de s’accomplir. Philippe Starck en rit encore. C’était il y a sept ans, au siège de son agence parisienne, près de la place de la République. L’employée avait signalé au fameux décorateur français, sans plus d’insistance, qu’un certain « M. Jobs » avait téléphoné. La jeune femme ne voyait pas de qui il pouvait s’agir. Elle avait noté son nom mais refusé de déranger le patron.
Le correspondant, qui s’exprimait en anglais, raccrocha sans laisser de numéro. « Vous imaginez l’aura de Jobs en 2007, s’esclaffe encore Starck. C’était juste Dieu ! Et elle ne me le passe pas parce qu’elle ne le connaît pas ! Ça commençait bien. »
« Pour qui connaît Steve, précise Starck, il était à peu près certain qu’il ne rappellerait pas après une telle humiliation. » Le deuxième coup de téléphone est pourtant le bon. Cette fois, la standardiste rattrape son patron, sur le départ pour le Salon du meuble de Milan.
« Vous voudriez me faire un bateau ? », demande Dieu. « Ben... oui », répond Starck. Les deux hommes n’échangent que quelques mots : « quinze secondes » de conversation, assure Philippe Starck.
Venus ne serait pas n’importe quel yacht. Starck le conçoit, dans son lit, « en une heure trente ». « It’s more than I could never imagine », lâche, pourtant, Steve Jobs à Philippe Starck, lorsqu’il lui montre la maquette.
Le bateau sera travaillé et retravaillé durant des dizaines de séances de réflexion entre les deux génies, d’avril 2007 à l’automne 2011, en Californie, au domicile modeste mais épuré du patron d’Apple, rongé par un cancer depuis 2003. « L’élégance du minimum » : le but visé par les deux créateurs à l’ego surdimensionné.
Pourtant, le designer français déchante. Syndrôme de « distorsion de la réalité », qui pousse Jobs à s’approprier les idées revendiquées par Starck, ou encore conflit financier avec Laurene, la veuve du patron d’Apple laissent un goût amer au designer : « Il n’y aura plus jamais de bateau de cette qualité-là. Parce que plus jamais deux fous ne se mettront ensemble pour accomplir un tel travail », clame Stark, avec un peu d’exaltation. Ni lui, ni Steve Jobs n'ont jamais vu naviguer Venus.
Retrouvez l’histoire de ce projet démesuré, à 100 millions de dollars, dans le numéro de septembre de Vanity Fair, en kiosque mercredi 27 août.
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