Vendredi 29 août 2014/ Pierre Veya
La transformation du système énergétique est rapide et profonde
Le basculement du monde vers les énergies renouvelables est spectaculaire par bien des aspects, notamment en termes d’investissements. Rien que dans les pays de l’OCDE, les énergies renouvelables représentent 80% des nouvelles capacités installées pour produire de l’électricité. Selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ce basculement massif vers des énergies plus propres pourrait toutefois ralentir en raison des incertitudes politiques et réglementaires. Selon la directrice de l’AIE, Maria van der Hoeven, c’est un comble dans la mesure où plusieurs filières et technologies sont près d’être compétitives ou le sont déjà dans de grands pays, comme le Brésil, l’Afrique du Sud ou le Chili.
Le rapport de l’AIE fournit quantité de données chiffrées qu’il est intéressant de passer en revue. Ainsi la production mondiale d’électricité issue des renouvelables devrait croître de 45% et atteindre près de 26% de la production totale d’ici à 2020. La croissance sera essentiellement portée par l’hydraulique, l’éolien terrestre mais également le solaire photovoltaïque, qui suit un boom sans précédent en Chine et en Afrique notamment. D’ailleurs, c’est l’un des constats les plus intéressants du rapport de l’AIE: l’Asie, en particulier la Chine, et l’Afrique mais également l’Amérique du Sud prennent le relais de la croissance européenne et américaine. Dans ces deux derniers continents, les investissements seront soutenus mais inférieurs à ceux des nouveaux pays en voie d’industrialisation. C’est une excellente nouvelle: les énergies propres progressent partout dans le monde et de plus en plus vite dans les pays en développement. Dès 2020, les capacités de production d’énergies renouvelables installées dans le monde devraient dépasser celles des énergies fossiles. L’AIE estime cependant que ces formidables progrès demeurent trop faibles pour permettre d’atteindre les objectifs climatiques généralement retenus, soit un réchauffement moyen global de deux degrés Celsius. Enfin, dès 2020 toujours, la plupart des filières renouvelables pourront se passer de subventionnement.
Les experts de Bloomberg New Energy Finance (BNEF) livrent, eux, une analyse plus optimiste des transformations en cours. A lire leur rapport, publié en juillet, la croissance des nouvelles énergies vertes sera plus rapide que celle prévue par l’AIE. En 2030, pour la première fois depuis des décennies, les capacités en renouvelables dépasseront largement le parc installé en énergies fossiles, leur part passant de 40 à 60%. A l’inverse, les capacités de production en charbon et en gaz vont baisser. En termes d’investissements, cela signifie que sur les 7700 milliards de dollars investis dans les capacités de production, 5100 milliards le seront dans le renouvelable! Ces chiffres montrent un tournant même si, en 2030, la production d’électricité à partir des énergies fossiles représentera encore 44% du total, contre 64% aujourd’hui. Mais le progrès est remarquable. En quinze années à peine, soit demain, le solaire photovoltaïque et l’éolien représenteront à eux seuls 16% de la production mondiale d’électricité en 2030 contre 3% en 2013. En Allemagne, la pionnière, ces deux technologies devraient générer 52% du courant électrique du pays!
Les prévisions de BNEF se fondent sur une rapide baisse des coûts dans les filières renouvelables et un ralentissement plus prononcé des énergies fossiles en raison de l’introduction de politiques visant à limiter les émissions de CO2, en particulier en Europe et aux Etats-Unis. A noter que tant l’AIE que BNEF n’imaginent pas un développement du nucléaire; BNEF prévoit même son recul.Infographie: En 2030 le renouvelable s'impose sur le pétrole, le charbon et le gaz.http://www.letemps.ch/Page/Uuid/8ae85236-2ed6-11e4-9b2f-a894516ff6c9/
Ces prévisions, qu’elles soient de l’AIE ou des experts de Bloomberg, montrent une transformation très profonde des systèmes énergétiques dans le monde. Clairement, ce ne sont plus les coûts qui limiteront l’expansion des énergies renouvelables mais la réglementation et des obstacles techniques. Rares sont les pays qui ont anticipé une telle évolution, qui exigera une transformation complète des réseaux de transport et de distribution. Les technologies de stockage deviendront cruciales, de même que la capacité à gérer de manière flexible des productions décentralisées ou intermittentes. Une transformation comparable à celle qu’a vécue l’informatique, passant des grands ordinateurs centralisés à l’informatique distribuée avec l’invention du PC, puis du Web. Nous entrons dans un nouveau monde.