La ville belge de Louvain est occupée depuis quelques jours par l'armée allemande quand, pour des raisons qui restent mal expliquées, celle-ci se lance le 26 août dans un gigantesque pillage, incendiant la ville qui brûlera pendant plusieurs jours. Le futur écrivain Henry Bauchau a un an et demi et n'a pas la mémoire des événements. Mais, quand il surprend, plus tard, sa mère et sa grand-mère en parler, il comprend que, comme elles, il ne peut plus être le même après avoir échappé à la mort.
La guerre est aussi celle de l'information, et l'information passe mal, dans quelque camp que l'on soit. On l'a vu côté allemand à propos de la prise de Liège, on retrouve des incertitudes du même genre côté français quand des renseignements contradictoires jettent la confusion chez les lecteurs de journaux. Quand bien même il s'agit de communiqués officiels. La voix de la France est parfois balbutiante, le front d'aujourd'hui n'est pas celui qu'on a cru fixé la veille...
La nuit a été fraîche le dimanche 30 août en Picardie, où se trouve le lieutenant Lucien Nachin. Un brouillard glacé l'a réveillé à trois heures du matin, les ordres sont eux aussi contradictoires (et comment donc l'information pourrait-elle être cohérente?) : il faut poursuivre le combat qui a stoppé le mouvement de retraite ; ou il faut rester sur place et s'organiser. Puis les événements décident : tirs de l'artillerie ennemie, fusillades... Que faut-il faire une fois le calme revenu ? Le lieutenant décide, puisqu'il ne reçoit pas d'ordres, d'aller les chercher lui-même.
Lieutenant Lucien Nachin, Carnets de route. 2011