Le Congrès est une coproduction signée Ari Folman (Valse avec Bashir, 2008) entre les États-Unis, le Luxembourg, la France, Israël et la Pologne est en salles depuis le 29 août au Québec. Jouant sur l’ambiguïté entre la fiction et la réalité, on entre dans l’univers de Robin Wright, une actrice qui depuis 15 ans n’a joué que dans des navets. Cependant, il semble y avoir une lumière au bout du tunnel puisque le grand patron des studios Miramount, Jeff Greene (Danny Houston), lui offre de scanner son corps dans le but de faire faire des films à son double et non plus à elle en échange d’une somme substantielle. Après moult tergiversations, Robin accepte et la deuxième partie du film (en dessins animés) nous transporte 20 ans plus tard alors qu’elle doit assister à un congrès de futurologie organisé par le studio et où le monde a manifestement bien changé. Diffusé au printemps à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes, Le Congrès est un film qui comporte des lacunes à plusieurs égards. Si l’idée de base proposant une réflexion sur le futur du cinéma est intéressante, le récit se transforme, à son désavantage, en une réflexion plus générale sur l’humanité. Quant aux techniques d’animation, très classiques, elles conviennent plus ou moins avec la prémisse proposée par Folman.
Le futur imaginé en 1971
Dès le départ, on aime jouer sur l’ambiguïté, puisque dans Le congrès, Robin Wright joue son propre rôle. L’actrice a deux enfants, a somme toute connue une carrière en dent de scie. En effet, jusqu’à son retour en force avec la série de Netflix House of cards et le merveilleux film Adore, l’actrice était surtout associée à ses rôles de Jenny dans Forrest Gump et de la princesse dans Princess Bride; deux films datant d’il y a au moins 20 ans. Mais les comparaisons s’arrêtent là. Dans Le Congrès, l’actrice vit recluse dans un ancien hangar de construction d’avion avec ses enfants. Son fils, Aaron (Cody Smit-McPhee), est atteint d’une maladie qui affecte progressivement sa vue et son ouïe. C’est pour passer le plus de temps possible avec lui qu’elle accepte sur les conseils de son agent Al (Harvey Keitel), l’offre du patron de Miramount de se faire scanner.
L’expérience s’est avérée fructueuse puisque 20 ans plus tard, Robin est invitée à un congrès organisé par la Miramount qui s’est depuis associée à l’entreprise pharmaceutique Nagasaki. De cette fusion nait une nouvelle drogue qui permet aux êtres humains, lorsqu’ils la consomment, de se transformer en n’importe quel acteur ou personnalité qu’ils veulent et l’actrice est supposée se porter garante du nouveau produit. Au dernier moment, elle fait volte-face et s’ensuit une attaque terroriste qui cause chez elle une dépression nerveuse. La médecine ayant évolué, elle se fait congeler et se réveille après plusieurs années. Le monde a manifestement changé : tous les êtres humains sont drogués et vivent dans l’illusion. Quiconque rejette l’idée de consommer ces drogues se retrouve dans un monde sans espoir et détruit par les guerres. C’est à ce moment que Robin tente de retrouver son fils disparu…
Le congrès est une adaptation cinématographique du roman de Stanislas Lem (intitulé Le congrès de futurologie) publié en 1971. Visionnaire? Toujours est-il qu’il était audacieux d’aborder la question de l’utilité des acteurs dans un monde de plus en plus imprégné par la technologie. Mais en 2014, on a déjà fait la moitié du chemin exposé dans le livre si bien que la prémisse n’a plus autant de poids. En effet, il est de plus en plus courant que des acteurs fassent maintenant plus que de donner leur voix aux personnages avec les images en synthèse et la capture de mouvement (par exemple, Jamie Bell dans Les aventures de Tintin : les secrets de la licorne, 2009)
La différence dans le film de 2013, c’est que Robin Wright cède ses droits d’image, sauf quelques restrictions au studio. Dès lors, on en vient à se questionner sur la pertinence des acteurs dans le futur. Bien que dans Le congrès, l’entreprise soit un succès, c’est tout de même grâce à la notoriété de la star que les gens se sont encore déplacés pour la voir. Que vaudrait un personnage à l’écran dans le futur qui est sans chair ni os, que ne feint jamais le tapis rouge, qui n’a aucune caractéristique humaine à laquelle le public puisse s’identifier? La première partie du film, quoique lente, nous offre cette intéressante réflexion, mais dès qu’on se lance dans la partie animée (lorsque Robin se rend au congrès), le charme s’étiole alors qu’on s’attaque à quelque chose de beaucoup trop gros et de façon disparate. Mathilde Blottière dans sa critique abonde en ce sens : « Victime de son imagination, Ari Folman délaisse peu à peu son sujet — l’avenir du cinéma et des images — au profit d’une glose indigeste et simpliste sur un monde binaire : vérité contre virtualité. »
Animation et imagination
Ari Folman a déjà eu recours à l’animation, notamment dans Valse avec Bashir qui traitait de la guerre du Liban de 1982. La fin, qui nous offrait des images réelles de la BBC provoquait un effet-choc, une rupture de ton visuel avec ce qu’on avait vu précédemment. Dans Le congrès, on utilise encore une fois l’animation, cette fois pour illustrer l’euphorie vécue par les protagonistes qui consomment la nouvelle drogue de la Miramount Nagasaki. Certes, vers la fin, lorsque Robin cesse d’en prendre, on voit à quel point l’état de la planète s’est dégradé, mais l’animation aurait surtout dû être utilisée en lien avec la prémisse, soit, le futur du cinéma. On se serait attendu à plus d’audace du côté visuel, notamment du 3D, ce qui n’est pas le cas. L’animation en général est trop classique et le personnage de Robin Wright n’a rien de bien ressemblant. Quant aux grands acteurs tels que John Hamm et Michael Stahl-David qui prêtent leurs voix à quelques personnages fictifs, le clin d’œil ne marche tout simplement pas; du moins dans la version française doublée.
Le Congrès a parcouru plusieurs festivals, mais on se demande si cette médiatisation n’est pas en partie grâce à la renommée dont jouit son réalisateur. Les critiques étant en majorité tièdes, le problème vient surtout du fait qu’on mette à l’écran une « science-fiction » de 1971, sans pour autant la mettre au goût du jour. Voyons maintenant quel genre d’accueil le Québec réservera au film.