Poussière de craie, piles d'articles, lumière jaunâtre hésitante, odeur de tabac froid et vieux gobelets de café, porte entrouverte sur les vas et viens de quelques chercheurs déboussolés, je suis dans mon bureau. On rencontre dans les laboratoires de recherche des personnages étranges aux comportements imprévisibles, à développer.
Salle de thé: tableaux noirs remplis de calculs et shémas, comme pour nier le manque d'activité croissant ou constant de certains. Loin de l'image mystérieuse et fascinante qui transparaît de certains livres, reportages ou films mettant en scène savants fous ou autres génies de la science, le quotidien du théoricien est bien monotone. Quelques romantiques vous diront qu'ils s'évadent totalement en réfléchissant à leur théorie et que chaque jour est un nouveau voyage passionnant ... peut être est-ce vrai pour quelques rares esprits supérieurs. Pour les autres...
Revenons au doctorat. Le début de la thèse est plein d'espoir, d'envie, mais à ce stade la recherche est toujours un temple inconnu. Le moral du thésard est cyclique. Frustration, désespoir, envie, motivation, ambition, doutes, stress...tout se succède, se mélange, s'embrouille. Les premiers mois de thèse sont particulièrement délicats, le petit étudiant de master doit se faire une place dans la communauté internationale associée à son domaine. Nouvelles règles du jeu, maintenant acteur et spectateur d'un microcosme en évolution constante, il participe à une compétition géante, la concurrence est mondiale et il n'y a pas d'autre choix. Perpétuelle impression d'être englué, de stagner...trop de choses à apprendre, trop d'articles à comprendre avant même de pouvoir commencer à réfléchir. Frustration entretenue par les régulières conférences qui confrontent violemment aux attentes de ce monde.
Alors pourquoi faire ça? Quelques secondes d'inspiration pour des mois de transpiration, voilà comment l'on résume communément le travail du chercheur.
Ce sont ces quelques secondes qui sont le moteur quotidien de cette surprenante sphère, l'intense sentiment qui les accompagne suffira pour supporter les mois stériles qui suivront.