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Oscar Muñoz : Improbables rémanences

Publié le 29 août 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Protographies

En jouant sur les mots avec le terme de protographie  (un néologisme qui évoque l’opposé de la photographie, le moment antérieur ou postérieur à l’instant où l’image est fixée pour toujours), l'artiste Colombien Oscar Muñoz  présente au Jeu de Paume à Paris un parcours personnel autour de l'image dans ce qu'elle a  de volatil, d'éphémère, inlassable préoccupation de tous ceux qui, dans l'histoire de la photographie, n'ont cessé de s'interroger sur ce phénomène instable, indocile : la captation du réel sur une surface sensible.
A la confluence du dessin, de la gravure, de la photographie, c'est à une double mémoire que l'artiste fait référence. Oscar Muñoz a mis ses pas dans ceux des premiers conquérants de l'illusion, ces inventeurs décidés à mettre la caméra obscura des peintres au service de ce projet audacieux : graver le réel. Ce moment incertain où la photographie n'est pas encore la photographie et ou la peinture n'est plus vraiment la peinture, ce rêve fou de mettre en boite enfin ce que voit l'observateur  reste peut-être le temps le plus captivant dans cette relation  au monde.

Oscar Muñoz : Improbables rémanences

"Rideaux de douche" 1985-1986 'Oscar Munoz

Rémanences

Oscar Muñoz  n'hésite pas à jouer avec les moyens les plus inattendus pour rendre sensible cet entre-deux. Plutôt que de s'en tenir au papier, au dessin, à la gravure, l'artiste recourt à des rideaux de douche en plastique  sur lesquels il "capte" au pochoir et à l'aérographe ces silhouettes fugitives sur  ce support insolite. Ce procédé singulier pour évoquer le phénomène rémanence, cette persistance fugitive d'une source lumineuse sur un support, nous renvoie au plus fondamental de la vision. Notre perception du mouvement passe, notamment, par cette rémanence dans notre œil. Sans persistance rétinienne, pas de cinématographe, pas de télévision, pas de notion de mouvement dans notre appréhension du monde, d'où la fragilité de notre vision, assujettie à ce miracle permanent.
L'image fixe, elle-même, dans sa reproduction contemporaine à travers l'imprimerie ou la télévision, passe par cette illusion : ce ne sont que des points lumineux que notre cerveau traduit sous forme d'image du réel. Oscar Muñoz, là encore, surprend avec sa façon que l'on pourrait qualifier d'iconoclaste d'évoquer ce phénomène. Dans Pixels (1999-2000),  sur neuf panneaux, les pixels de l'image sont matérialisés avec  des morceaux de sucre carrés imbibés de café, révélant un visage aux yeux clos.

Pixels (1999-2000)

Double mémoire donc à travers ces improbables rémanences : celle du réel fugitif, instable, reconstruit par notre vision et notre cerveau, mais celle également de cette histoire folle : l'invention des images fixes et mobiles L'image fixe n'est qu'une série de points, l'image animée n'est qu'une série d'images fixes. Nous reproduisons, à partir de cette illusion, un monde fait de conventions, toujours à la poursuite d'un réel dont nous n'aurons que ces traces pour nous convaincre de l'avoir capté.
Avec ses procédés décalés, Oscar Muñoz , depuis le collodion de Niepce,  revisite cette aventure historique, redécouvre ce passage évanescent entre le réel et sa représentation,  miracle que nous fait perdre de vue la profusion sans cesse accrue des images.

Photos: Jeu de Paume

Oscar Munoz
"Protographies"

Jusqu'au 21 septembre 2014
Jeu de Paume
1 place de la Concorde
75008 - Paris


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