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« Le Dernier Gardien d’Ellis Island » de Gaëlle Josse : le blues de l’exil …

Par Alyette15 @Alyette1

"Le Denier Gardien d’Ellis Island" de Gaëlle Josse aux Editions  Noir sur Blanc

"L’exil est rond / Un cercle, un anneau : / tes pieds en font le tour / tu traverses la terre, / Et ce n’est pas la terre / Le jour s’éveille et / Ce n’est pas le tien, / la nuit arrive : / Il manque tes étoiles / Tu te trouves des frères, / Mais ce n’est pas ton sang." Pablo Neruda

1ère de couverture

1ère de couverture "Le dernier gardien d’Ellis Island" de Gaëlle Josse aux Editions Noir sur Blanc

Après « Les heures silencieuses » et son personnage de femme laissant les navires voguer vers des horizons auxquels elle n’a pas accès, c’est cette fois-ci à un homme que Gaëlle Josse confie l’embarcation littéraire. Tout comme Magdalena, John Mitchell reste lui aussi à quai et c’est face à son œil de professionnel exigeant que les navires accostent, leurs ventres saturés d’exilés. Le lieu de l’exil : Ellis Island, centre d’immigration New-Yorkais dont John Mitchell est le directeur et le dernier gardien. Nous sommes en novembre 1954 et Ellis Island est désormais un lieu déserté balayé par les vents hostiles et les fantômes de ceux qui vinrent y chercher l’espoir d’une vie meilleure.

Alors qu’il s’apprête à restituer les clés, il revient sur ce que fut sa vie dans ce lieu de tous les possibles où tragédies de l’immigration côtoyaient perspectives d’avenir souvent cruelles. Exemplaire de droiture et peu loquace, John Mitchell se révèle au fil des pages un homme habité par les tourments d’une passion qu’il confie à son journal intime. Pour que demeure une trace de sa propre humanité hantée par les réminiscences des femmes qu’il aima : Liz, la première épouse au cœur simple et trop tôt disparue mais aussi Nella exilée Sarde au lourd passé dont la beauté est sauvagerie et détresse. La carapace de John Mitchell prend l’eau et c’est un autre homme qui s’offre à lire ; un homme contraint à trop de  solitude et de probité qui un soir flancha contre un corps frémissant de drames. Un acte irréparable qu’il refoulera en menant une existence d’ascète …

Avec ce nouveau roman, Gaëlle Josse confirme son goût pour les personnages dont la discrétion dissimule fêlures et bleus à l’âme. Précis et sensibles ses mots effeuillent l’intimité complexe d’un homme et nous guident vers les terres étrangères. Celles des sols comme celles des pulsions pouvant assaillir cœurs et corps. Un lâcher prise nuancé qui est désormais sa signature et confère à son écriture cette émotion singulière tout en retenue. Le dernier gardien d’Ellis Island n’échappe pas à cette pudique estampille et lève le voile sur les secrets d’une vie tout en livrant une réflexion aussi documentée que touchante sur la destinée souvent douloureuse des candidats au rêve américain.

Sobre, à fleur de mots, le quatrième roman de Gaëlle Josse détient les clés d’une île très convoitée : celle d’une exigence littéraire qui sans faire de vagues nous invite dans la mélancolie de son ressac.

Astrid Manfredi, le 28 août 2014

Informations pratiques
Auteure : Gaëlle Josse
Titre : Le Dernier Gardien d’Ellis Islan
Editeur : Les Editions Noir sur Blanc
Nombre de pages : 176
Prix France : 14 euros

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