Artetvia fait sa rentrée avec un article passionnant écrit par Sébastien Cochelin, qui nous avait déjà gratifiés d’un article sur Schubert il y a quelques mois.
Robert Schumann naît le 8 juin 1810 à Zwickau au cœur de la Saxe. Son père August est un lecteur passionné qui se consacre à la traduction de Byron et de Scott. Ecrivain sans succès, il écrit avec ferveur des histoires de chevaliers. Dans la librairie familiale, il fera découvrir au jeune Robert, le romantisme allemand. Dès l’âge de neuf ans, celui-ci demande un piano à son père après avoir écouté en concert le virtuose Moscheles. A douze ans, il compose un psaume – parallèlement il fonde une société littéraire pour les enfants de son âge. Jusqu’à quinze ans, il ne sait toujours pas s’il veut devenir poète ou musicien. Etudiant en droit, il enchaîne beuveries et combats en duel, tout en fréquentant les salons où sont joués des lieder de Schubert. A la même époque, il rencontre Friedrich Wieck qui décide de faire de lui un grand pianiste : Schumann travaille donc le piano et la composition, mais un accident met un terme à sa carrière de virtuose. « Par défaut », il se consacre donc à la composition et fonde une revue musicale, la Neue Zeitschrift für Musik. En 1840, Schumann tombe amoureux de Clara, la fille de Wieck et l’épouse. Lui qui était assez tourmenté depuis son adolescence vit à ce moment-là des années de bonheur intense concordant avec une grande activité créatrice. Les Schumann font des tournées, Clara poursuit son activité de pianiste virtuose et le couple se lie d’amitié avec le jeune compositeur Johannes Brahms. Les années passent et Schumann sombre peu à peu : en février 1854, il se jette dans le Rhin. Repêché par des bateliers, il est interné à l’asile d’Endenich et y mourra, le 29 juillet 1856. Il n’avait pas cinquante ans.
A la lecture de sa biographie, on comprend aisément l’importance naturelle que revêt le lied chez Robert Schumann. En effet, cette double vocation littéraire et musicale ne pouvait que le conduire à explorer la poésie par la voix et le piano. Même s’il faudra attendre un Schumann trentenaire pour apprécier une expression proprement vocale, dès sa Fantaisie (op. 17) de 1835, on retrouve le dernier chant de « An die ferne Geliebte » de Beethoven cité à la fin du 1er mouvement.
Il est vrai qu’après 1840, les grands lieder se font plus rares, c’est l’une des particularités du compositeur qui écrit par période d’inspiration et explosion suivie de sécheresse créatrice. Ce n’est qu’en 1849 que survient une deuxième période de lieder, avec un grand nombre de ballades, notamment des textes du Wiehlem Meister.
Schumann reprend le flambeau de Schubert ! Tâche impressionnante et terrifiante car le génie de son aîné passe pour être inégalable. Mais rapidement, il se démarque de son illustre prédécesseur : Schumann aime la poésie plus que tout autre et la source même de sa musique semble venir du poète. « Der Dichter spricht… » écrit-il sur la dernière page des scènes d’enfants, comme pour rappeler que c’est ici que tout se joue. Ensuite, par la diversité de ses inspirations littéraires, Schumann donne une autre version du lied. A côté d’un Schubert souvent mélancolique, voir malheureux (Le voyage d’hiver), il donne une version plus enflammée, amoureuse, tendre, ironique, plus chevaleresque. C’est aussi l’image d’un homme qui compose à trente ans passés et qui a déjà vécu de nombreux événements.
Schumann a principalement mis en en musique des poèmes de Heine (43 lieder), Ruckert (28 lieder), Emanuel Geibel (25 lieder), Justinus Kerner (20 lieder), Goethe (19 lieder). Son écriture forme une nouvelle étape du romantisme avec une synthèse des arts musicaux et littéraires. Hugo Wolf, qui représente la dernière extrémité du lied romantique, aura cette même exigence littéraire, lisant même les poèmes avant de les jouer. Ce qui est très proche de l’esprit de Schumann. Son influence sur Wolf se traduira également par une continuité dans l’inspiration, avec la mise en musique de textes de Mörike et Geibel.
La notion de cycle, reprise de Beethoven et Schubert, change chez Schumann. Il ne s’agit plus à proprement parler d’une action suivie en épisodes, mais d’une variation sur le poète, ses impressions. C’est la poésie même qui est mise en scène dans les « amours du poète », et Schumann se fait aussi compilateur, ordonnateur de poésies dans le cas d’Eichendorff.
Ainsi le lied grâce à Schumann, sans vivre une révolution, vit une véritable évolution créative, et par sa réussite exceptionnelle, offre les germes d’un avenir prometteur. Aussi Brahms, Cornelius, Listz, Wolf, Strauss, Mahler sont tous de près ou de loin des enfants de Schumann, autant que des enfants de Schubert.
Pour « illustrer » ce bel article, Artetvia a le plaisir de vous convier au concert donné par Sébastien où justement seront interprétés des lieder de Schumann – Op 35 (Kerner) et op 40 (Andersen). Il sera accompagné par Marie-Laure Gallier au piano. Le concert a lieu à l’Espace Brémontier (5 rue Brémontier dans le XVIIème), le dimanche 28 septembre à 16h. Entrée 10 euros (et si vous êtes rapides, 10 places à 6 euros sont proposées sur Billetreduc.com).
Et maintenant, un peu de musique !
Seit ich ihn gesehen (Vie et amour d’une femme – Chamisso)
In der fremde (LiederKreise – Eichendorff)
Mondnacht (LiederKreise – Eichendorff)