Parfois, la meilleure façon d’apporter des changements à grande échelle et de transformer son organisation consiste à…ne pas parler #transformation ! Comment ? En mettant l’accent sur le changement d’une habitude importante (ou habitude-clé), ce que Charles Duhigg, journaliste d’investigation au New York Times, nous expliquait en 2012 dans son célèbre opus « La force des habitudes : Changer un rien pour tout changer« , Editions Saint Simon.
En tant que PDG de la Aluminium Company of America (ALCOA), Paul O’Neill a permis à l’entreprise de transformer son entreprise et de réaliser des profits records en focalisant ses efforts sur une seule habitude-clé : la sécurité des employés, tandis que les investisseurs préféraient que les efforts soient concentrés sur des objectifs plus rentables.
Voici l’histoire de la transformation d’Alcoa (Aluminium Company of America), extraite du livre de Duhigg :
Un jour d’octobre 1987, le nouveau Directeur Général de l’Aluminum Company of America, ou Alcoa, monta sur l’estrade d’un hôtel de New York. Paul O’Neill avait été un choix surprise pour prendre la tête de l’un des plus grands fabricants de produits d’aluminium au monde. L’ancien fonctionnaire du gouvernement américain était pratiquement inconnu dans les rangs de Wall Street, et de nombreux investisseurs de la société semblaient douter de sa capacité à endiguer les pertes qu’Alcoa avait récemment accumulées avec le lancement de nouvelles lignes non rentables.
Pour faire face à ce malaise, le Comité exécutif d’Alcoa avait décidé de rassembler les investisseurs ainsi que d’éminents analystes financiers pour présenter officiellement son nouveau Président Directeur Général de 51 ans, Paul O’Neill . Après avoir été introduit, le public se détendit. On pouvait presque entendre le soupir de soulagement collectif qui disait: « Tout va bien se passer ».
Puis O’Neill ouvrit la bouche. « Je veux vous parler de la sécurité des travailleurs », dit-il. « Chaque année, de nombreux travailleurs d’Alcoa sont gravement blessés au point de prendre un jour maladie en moyenne. Notre fiche de sécurité est meilleure que la moyenne des entreprises américaines en général, d’autant plus que nos employés travaillent avec des métaux hautement dangereux et des machines qui peuvent déchirer le bras d’un homme. Mais ce n’est pas assez bon. J’ai l’intention de faire d’Alcoa la société plus sûre en Amérique. J’ai l’intention d’atteindre le « zéro blessure » « .
Le sentiment du public se transforme confusion. Ce n’était pas ce qu’ils avaient l’habitude d’entendre lors de tels événements. Où était passée la promesse d’augmenter les profits et de réduire les coûts? Où était la passée la critique passionnée des taxes trop élevées imposées aux sociétés et des règlements trop lourds ? Où étaient tous les mots réconfortants à la mode comme « synergie », « alignement », « redimensionnement » et « coopétition »? Quel était tout ce discours sur la sécurité des travailleurs ?
O’Neill a continué, apparemment insensible à la houle provoquée par son discours sur ses auditeurs: « Avant d’aller plus loin, je tiens à préciser où se trouvent les sorties de sécurité dans cette salle. Il y a deux portes à l’arrière, et dans le cas peu probable d’un incendie ou autre situation d’urgence, vous devriez tranquillement sortir, descendre les escaliers dans le hall, et quitter le bâtiment. »
Les commentaires sur les issues de secours furent accueillis par un silence assourdissant. La confusion pure régnait. Puis des mains se sont élevées pour poser des questions, dans une tentative désespérée de trouver un terrain familier : les gens ont commencé à demander des rapports sur les stocks et immobilisations, etc.
« Je ne suis pas certain que vous m’ayiez bien entendu », déclara O’Neill. « Si vous voulez en savoir plus sur la santé d’Alcoa, regardez nos données de sécurité au travail. Si nous réduisons nos taux d’accidents et de blessures, il ne sera pas à grâce au « léchage de bottes » et autre non-sens que vous entendez parfois chez d’autres chefs d’entreprise. Ce sera parce que les collaborateurs de cette société ont accepté de faire partie de quelque chose d’important. Ils se seront sont consacrés à la création d’une habitude d’excellence. La sécurité sera l’indicateur que nous faisons des progrès en changeant nos habitudes sur l’ensemble de l’organisation. C’est ainsi que nous devrions être jugés. »
Après la présentation, de nombreux analystes ont appelé leurs clients et leur a conseillé de vendre tout leur stock à Alcoa – immédiatement. L’un d’eux a même dit à un client: «Le conseil d’administration a mis un hippie fou à la tête d’Alcoa et il va tuer la société». Il s’avérerait être le pire des conseils financiers jamais donné. Un an plus tard, les bénéfices d’Alcoa ont atteint un niveau record. Treize ans plus tard, quand O’Neill a pris sa retraite, le bénéfice net annuel de l’entreprise avait été multiplié par cinq. Sa société était devenue l’une des plus sûres au monde.
« Je savais que je devais transformer Alcoa », O’Neill expliquera plus tard. « Mais vous ne pouvez pas ordonner aux gens de changer. J’ai donc décidé que j’allais commencer par me concentrer sur une seule chose. Si je pouvais commencer à modifier profondément les habitudes autour de quelque chose, je savais que cela se propagerait dans toute l’entreprise. »
O’Neill s’est concentré sur le changement d’une habitude-clé ou influente dans toute son organisation – la sécurité des employés – et cela a eu un effet domino, ce qui a provoqué la mise en pratique d’autres nouvelles habitudes positives et contributives. Cette priorisation a par exemple significativement amélioré la communication verticale au sein de l’entreprise, car l’information au sujet d’un accident devait remonter au plus vite aux supérieurs. Petit à petit, cela a également amélioré la production de l’entreprise car les employés, profitant de meilleures relations avec leur hiérarchie, proposaient idées et alternatives.
L’exemple d’Alcoa souligne comment mener une transformation au niveau d’une organisation, sans parler transformation en interne et en s’appuyant sur de nouvelles façons de FAIRE, contagieuses. Il existe d’autres façons de mener ces transformations : au niveau d’une direction (en repensant notamment la valeur délivrée) par exemple, ou autour d’un projet transverse à fort enjeu (quelle vision qualité de service clients ? etc…).
Dans tous les cas, cela prend du temps (entre trois et cinq ans selon le projet), les clés du succès reposent en résumé sur : l’intention et la définition d’une vision claire partagée, qui peut évoluer en « marchant », un comité pilote et l’engagement de tous dans la réflexion et la mise en oeuvre pour compréhension,une approche collaborative pour appropriation et ajustement d’objectifs, des essais-erreurs. Pour la face « cachée de l’iceberg », cela induit également très souvent une nouvelle dynamique de développement autour du leadership, du management des projets, des compétences et des connaissances.
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