Pascal Garnier : Le Grand Loin

Publié le 28 août 2014 par Lebouquineur @LBouquineur

Pascal Garnier est un écrivain français né en 1949 à Paris et mort en 2010 à Cornas (Ardèche). Après une vie d'errance et de petits boulots, et un passage éclair par le rock 'n' roll, il  décide à 35 ans de se lancer dans l'écriture. Son œuvre abondante et multiforme comprend des romans noirs comme des ouvrages de littérature d'enfance et de jeunesse. Le Grand Loin dernier roman de l’écrivain, paru peu de temps avant son décès.

« Père placide et d’humeur conciliante, voilà Marc parti vers le sud avec sa fille Anne qu’il vient d’enlever à son hôpital psychiatrique pour le week-end. Mais la petite escapade tourne bientôt à la cavale. Anne ne veut plus rentrer, surtout pas à l’asile. Elle veut aller loin, très loin, le plus loin possible. Constellée d’incendies bizarres et semée de cadavres, la drôle d’équipée se transforme vite en un hallucinant road-movie. »

J’avais déjà dit beaucoup de bien de Pascal Garnier lors de mon billet sur son roman posthume Cartons et je vais me répéter ici encore. Je me suis régalé de tout. De l’objet d’abord, on jurerait que les romans de l’écrivain sont exclusivement conçus pour les éditions Zulma, petit format d’une élégance sans ostentation, idéal écrin pour les textes courts, eux-mêmes emprunts de l’écriture délicate de Pascal Garnier.

Roman court donc. Vous savez comme je peste devant les gros pavés épuisants à lire, Garnier nous prouve a contrario que l’épaisseur ne fait pas la qualité, inutile de vous dire comme je jubile in petto. Peu de personnages, outre Marc, la soixantaine sympathique et sa fille de trente-six ans, pas de nature très aimable, sortie de l’hôpital psychiatrique, nous croiserons très vite Chloé sa femme, Edith son ex et mère d’Anne ainsi que le chat Boudu, un gros pépère embarqué dans l’expédition. Quant à « l’hallucinant road-movie » évoqué par l’éditeur, ne vous emballez pas ! Ca ressemble plus à un départ en vacances passant du Touquet à Agen et Cahors qu’à un périple sur la Route 66. Sauf qu’il y a dans le récit, un léger décalage troublant avec la réalité, des gens meurent et pas de leur belle mort, une statuette africaine peut-être maléfique est-elle la cause de l’infection du doigt de Marc ?

Marc, Anne et les autres sont des personnages tout à fait ordinaires, nos voisins, de vagues relations peut-être. Lui est à un tournant de sa vie, l’âge où l’on doit choisir entre vivre le reste de sa vie avec des regrets, ou bien se lancer – dernière chance – dans la réalisation de son rêve. Elle, condamnée à la réclusion perpétuelle en milieu hospitalier, voit aussi l’occasion de jouir d’une liberté qui lui semblait interdite. Avec des mots simples et des phrases courtes, Pascal Garnier réussit ce tour de force, nous entraîner dans ce voyage banal mais parsemé de faits extravagants, tout en nous faisant réfléchir sur le sens de la vie. Intelligent et limpide.

Je n’ai pas fini de revenir vers Pascal Garnier…

« Il avait hurlé : « Pas comme moi ! », tout comme il avait lancé : « Moi aussi, je connais Agen ! » durant ce dîner, deux mois plus tôt, pour exister, juste un instant : « Pas comme moi ! » Mais qu’est-ce qui le différenciait tant des autres ? Eh bien justement, c’est qu’ils étaient des autres et que lui était lui, seul et unique Marc Lecas et que si lui, Marc Lecas, venait à disparaître, les autres, tous les autres, s’évanouiraient avec lui car leur existence ne dépendait que de la sienne. »

Pascal Garnier  Le Grand Loin  Zulma  - 158 pages –