On ne s’y attendait pas mais finalement, le Changement, C’est Tout Le Temps et ce n’est plus très facile à comprendre. La communication présidentielle a fait place au bafouillage et l’action s’est rapidement muée en agitation. Or, si l’agitation n’est bonne ni pour la santé, ni pour la gestion d’un pays, il n’en reste pas moins qu’elle permet de camoufler les actualités déplaisantes qui, d’ailleurs, ne manquent pas.
Par exemple, je pourrais évoquer ici les petits chuchotements de Rebsamen, celui qui était Ministre du Travail le 24 août au soir, qui l’est encore (le Changement, c’est Pas Pour Lui), et qui nous apprend, au détour de ce qui n’est plus qu’une brève en polystyrène expansé flottant sur un océan de vagues médiatiques puissantes, que les prochains chiffres du chômage ne seront pas bons. Depuis plus d’un an que la courbe du nombre de demandeurs d’emploi doit s’inverser, plus personne ne croit aux boniments hollandesques, et les chuintements niaiseux de Rebsamen sur le sujet n’intéressent donc personne. Et puis, pour que ces chiffres soient bons, il faudrait, en toute rigueur, que le taux de chômage soit au moins divisé par trois, ce qui relèverait d’un exploit inédit alors que tout le gouvernement est concentré comme un seul homme à faire absolument n’importe quoi, n’importe comment. Du reste, il n’y a pas lieu de réellement commenter ces chiffres désastreux puisque, selon l’aveu même du ministre, mis à part le chômage de masse, « Ce pays va bien ».
Tant qu’on est à parler des petits murmures que le récent remaniement ministériel aura totalement occultés, je pourrais aussi évoquer l’idée qui continue à s’installer d’un relèvement de la TVA. J’avais déjà évoqué la proposition de Jacques Attali qui, semble-t-il, sent bien que les Français ont trop de pouvoir d’achat et, déflation aidant, méritent amplement de se faire fouiller le portefeuille à coup de taxe joufflue. Décidément, entre Attali (qui trouve que les Français ont trop de pouvoir d’achat) et Rebsamen (qui pense que le pays va bien), nos élites font des étincelles pendant que les caméras et les micros ont leur dos tourné…
Bref : en substance et comme le rapporte Libération, il s’agirait d’aller chercher par ce moyen relativement standard une grosse quinzaine de milliards d’euros afin de combler le manque à gagner dans les caisses de l’État dû à une croissance atone. La démission et le remaniement ministériel ont ralenti l’exploration du sujet auquel Bercy devra tout de même réfléchir, mais rassurez-vous, vous n’y couperez pas à plus ou moins long terme : il y aura bien une (petite ?) hausse de TVA. En tout cas, en matière de pause fiscale, voilà qui s’annonce encore une fois comme un bobard de plus au crédit de l’équipe socialiste.
Et puisque nos médias d’actualité semblent encore focalisés par les prises de fonctions des trois remplaçants des ministres évincés, peut-être sera-t-il utile de revenir sur le chiffre un peu oublié des mises en chantier de logements neufs qui a encore chuté de plus de 13% entre mai et juillet. Il semble que tous les bricolages atténuants de la loi ALUR ne suffiront pas à rattraper un marché qui se verrouille tout seul, mais le Roi Solex a tout de même décidé d’annoncer un « plan de relance » pour le secteur, dans le courant de la rentrée, qui viendra donc s’ajouter à tous les autres plans qu’il a religieusement lancés sur les 28 mois passés. À ce rythme, l’échec n’est pas une option, c’est une fonctionnalité de base.
Et pendant ce temps, certains élus locaux tentent de faire entendre leur voix alors que les emprunts des collectivités dont ils sont responsables se révèlent tous les jours plus toxiques.
Histoire de resituer un peu le contexte, le rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée nationale qui avait, fin 2011, travaillé sur le sujet, a recensé 3800 communes de moins de 10.000 habitants ayant souscrit des emprunts structurés. Et dans ces emprunts, pour certains adossés à des taux calculés sur la parité euro/franc suisse, les taux appliqués actuellement sont devenus prohibitifs. Depuis, les principaux maires et responsables de collectivités importantes ou trop fortement endettées sont, régulièrement, montés à la tribune de l’Assemblée ou dans celle des journaux pour tenter de faire pleurer dans les chaumières.
On se rappellera les jérémiades pathétiques de l’actuel président de l’Assemblée Nationale lorsqu’il n’y était pas encore et qui expliquait à qui voulait l’entendre que les méchantes banques l’avaient honteusement piégé. Pour mémoire, m’étant procuré un des contrats types en vogue à l’époque, j’avais montré à quel point ces prêts, prétendûment piégeux, ne revêtaient aucun caractère complexe, ni même obligatoire. À l’analyse, on se rend vite compte que nos élus, qui n’ont jamais contracté de tels montages pour leurs finances personnelles, n’ont jamais eu le moindre scrupule lorsqu’ils manipulèrent de l’argent public et signèrent en bas de ces contrats « impossibles à comprendre ».
L’affaire s’était nettement corsée lorsqu’avec la crise, non seulement les taux avaient explosés, envoyant dans les caves les finances des collectivités un peu trop gaillardes avec les sous de leurs administrés, mais en plus l’État, qui avait dû récupérer la structure Dexia en pleine déconfiture, s’était-il retrouvé juge et partie, devant tout faire pour retrouver ses fonds (estimés à 19 milliards d’euros tout de même) tout en ménageant les collectivités trop bruyantes, réservoirs potentiels de contribuables et d’électeurs… On se rappelle qu’à la suite de cet imbroglio douteux, la Seine-Saint-Denis avait tenté d’annuler le prêt litigieux, pour finalement se faire débouter de ses demandes, à l’exception de celle portant sur le Taux Effectif Global qui n’apparaissait pas sur les fax échangés pendant la négociation du prêt. Avec ce jugement, l’État a rapidement compris qu’il devait agir pour éviter de voir les juteux intérêts disparaître d’un coup, et sécuriser des sommes fort conséquentes. Ce qui fut fait en juillet de cette année, par une loi ad hoc…
… Et ce qui déclenche à présent les hurlements des élus locaux confrontés à la difficulté de devoir, finalement, rembourser comme prévu un prêt signé n’importe comment. On ne peut s’empêcher de sourire au malheur de ces édiles confronté à l’arbitraire étatique, eux qui, le reste du temps, s’en accommodent si bien et d’autant mieux qu’ils sont haut placés dans la hiérarchie républicaine.
Cependant, on notera que, du point de vue du contribuable, l’affaire est entendue et il en sera de sa poche quoi qu’il arrive. Ou bien les emprunts, aussi « toxiques » soient-ils, sont remboursés, et ce le sera avec ses sous. Ou bien les dettes sont répudiées, la SFIL, structure gérant ces prêts, carafe, et l’État — c’est-à-dire le contribuable — en est de sa poche de 17 à 19 milliards d’euros. Autrement dit, la subtile nuance entre les deux propositions revient à savoir, pour l’élu local, si ce seront seulement « ses » contribuables ou ceux de la France entière qui cracheront au bassinet. Leur combat révèle donc au passage leur belle mentalité.
Comme on le voit, il ne manque pas de sujets en France pour s’occuper. Cependant, tout ce que Paris comprend de chroniqueurs semble s’atteler à la tâche de savoir si une majorité parlementaire adoubera le gouvernement Valls 2 (bien sûr que oui), si Macron sera à la hauteur des enjeux actuels (bien sûr que non), et si les changements opérés permettront à Hollande de faire autre chose que du surplace dans des petits prouts gênés pendant que le reste du pays, lui, continue sa dégringolade à flanc de montagne.
Décidément, la rentrée sera chaude.
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