C'est probalement le plat le plus simple du repas, mais c'est celui qui m'a posé le plus de problème. J'avais dès le départ l'idée de présenter cette viande comme un burger, mais sans utiliser de pain (car trop burger, justement). La difficulté était d'obtenir une forme de dôme sur le dessus avec de la pomme de terre, en obenant une texture croustillante à l'extérieure et moelleuse à l'intérieur, sans être trop gras, et pouvant être "modelé" suffisamment rapidement (et en six exemplaires pour le dessus, et six autres version plate pour le dessous) avant que la pomme de terre ne commence à noircir.
J'ai fait un nombre d'essais impressionnant, en changeant de type de pommes de terre, de mode de cuisson des fours (car j'ai essayé dans les deux), du diamètre du filament, de matière grasse. Pour aboutir à un résultat pas encore complètement satisfaisant le jour J - forme trop plate, par contre : texture et goût plus que corrects.
Voici donc comment j'ai fini par procéder :
- il faut déjà prendre des pommes de terre de taille conséquente pour avoir des "spaghetti" les plus longs possible, mais pas trop riche en eau, car il a tendance alors à se casser (et la pomme de terre est insipide), voire à faire de la bouillie
- il faut beurrer un moule demi-sphérique, et le remplir avec le spaghetti en formant une spirale. Et continuer ainsi jusqu'à ce qu'il soit presque rempli (un sacré boulot)
- au bout de deux réalisés, les pré-cuire à la vapeur durant 20 mn, histoire qu'ils soient moelleux, manipulables et "inoxydables". Pendant qu'ils cuisent, en faire deux autres, etc. Cela m'a pemis de les préparer à 9h du matin pour le midi.
- 30 mn avant de servir, passer au pinceau avec du beurre liquide, saupoudrer de fleur de sel, et enfourner à 220 °. D'abord 20 mn, puis les retourner et de nouveau 10 mn.
Les échalotes
J'ai utilisé une "préparation" au cassis faite artisanalement dans la région contenant 70 % de cassis (épépiné) et 30 % de sucre.
J'ai mis dans une casserole une trentaine d'échalotes épluchées mais entières, une grosse cuillère de fond de veau concentré (Ariaké), une grosse cuillère bombée de préparation au cassis, 20 g de beurre, puis j'ai recouvert de 20 cl d'eau et j'ai laissé mijoter tout doucement sur induction jusqu'à ce soit totalement sirupeux (durant les 30 premières minutes, j'ai couvert). Et je l'ai conservé ainsi jusqu'au lendemain, jour du repas.
La sauce au cassis
C'est un assemblage de 25 cl de vin rouge léger et fruité (100 % syrah) + 2 cuill à soupe de préparation au cassis + 1 cuill à soupe de fond de veau. L'ensemble à bouilli en douceur 10 mn pour laisser l'alcool s'évaporer, puis j'ai ajouté 30 g de beurre, 1 carré de chocolat 81% et une cuillerée à soupe de Maïzena (diluée dans un tout petit peu d'eau froide) pour avoir une consistance nappante (plutôt que mettre 100 g de beurre comme le feraient les puristes...)
La viande
Au départ, je devais servir des burgers à base de boeuf wagyu. Sauf que je ne les ai reçus que le surlendemain du repas... Il a donc fallu que j'improvise. Je suis allé chez le boucher du village, et je suis tombé sur une belle pièce d'aloyau. Lorsque j'ai vu la texture, je me suis dit que je ne le hacherais pas à la machine (j'ai un super hachoir à viande qui me sert une fois tous les deux ans), mais que j'épouserais au couteau la structure "filandreuse" de celle-ci. Ce n'était pas une mauvaise idée en soi, mais la viande a eu tendance à se décompacter au fil de la cuisson (alors qu'elle avait été "moulée" au diamètre des burgers).
Une fois hachée au couteau, j'ai ajouté environ 50 g de truffe d'été coupée à la mandoline puis retaillée au couteau. Et bien remélangé le tout, puis mis sous vide en attendant de servir.
Pour la cuisson... j'ai fait un peu comme j'ai pu. La viande a dû cuire 3-4 mn sur la première face, 2 sur la seconde, puis a reposé 3-4 mn avant de repasser à la poêle 30 secondes sur chaque face.
Il suffit alors d'assembler tous les éléments précédemment décrits.
Ce Rauzan-Ségla 1983 a été conservé au domaine jusqu'en août 2013 (bouchon changé en 2012). Il m'a été gentiment offert par son directeur John Kolasa, suite à une discussion que j'ai eue avec lui sur les vins anciens. Il me tardait de la partager avec mes amis les plus chers. Il a été ouvert à 9 h le matin pour être servi vers 15 h (sans carafage). Il présentait un nez très médocain mélant le cèdre, le graphite, le sous-bois et les fruits noirs légèrement compotés. La bouche était d'une grande finesse, avec des tannins soyeux, et surtout une très belle acidité qui apportait de la tension et de la fraîcheur. Il était loin d'être en bout de course, même si je ne pense pas qu'il sera meilleur un jour. Le mariage avec le plat était réussi, même s'il ne provoquait pas la même émotion que les autres accords du repas.