J’ai toujours souvent parfois des idées bizarres. Comme celle de vouloir déménager sous prétexte que la maison ne s’est pas agrandie en même temps que la famille. C’est mal conçu, je ne vois pas pourquoi une chambre ne se rajoute pas spontanément à l’étage à chaque fois que je ponds…bref, dans un grand élan de naïveté idéaliste, je me suis dit qu’on pourrait essayer de voir. Ahaha.
Je ne dis pas, il y a sûrement des agents immobiliers, des estate agents sympathiques, cultivés, qui prennent sur leurs loisirs pour soigner des bébés animaux, distribuer des cupcakes roses aux sans abris et collectionnent les bisounours. Mais je n’en ai pas encore rencontré. Surtout que pour la première fois, on est une proie une victime les clients parfaits: non seulement on veut vendre notre maison, mais aussi en acheter une autre. Double commission en vue! Depuis deux jours, ils défilent, bave aux lèvres pour admirer notre intérieur. Je suis déjà beaucoup moins enthousiasmée par l’idée de les supporter pendant des mois.
On a eu droit au magicien, qui va vendre notre maison en trente minutes chrono (alors que ça ne fonctionne pas du tout comme en France, c’est très lent et compliqué. J’en ai parlé ici). Il est aussi persuadé que ses pouvoirs sont tellement immenses que d’un simple coup de sourire carnassier, il va décupler notre budget et qu’on va lui acheter un château hors de prix d’un claquement de doigt, et hop, signez là.
On a le pressé. On sent que sa vocation, c’était plutôt sprinter ou conducteur de TGV. Il ne va pas s’embêter à perdre du temps à vendre notre taudis. On va le brader, à un prix ridicule pour que ça parte vite, très vite. Et pas besoin de visiter autre chose non plus, de passer des semaines à se décider. Pourquoi attendre alors qu’il a déjà trouvé pour nous, on ne va pas y passer la journée. Un château qui vaut 250 fois son estimation de notre maison. Faites moi confiance et signez là.
Il y a celui qui a bien suivi sa formation marketing, probablement en regardant trois émissions de décoration à la télé, il y a 20 ans, voire 40 ans. Il complimente madame sur la cuisine et monsieur sur l’atelier au fond du jardin. Pas de chance, c’est moi qui bricole, et c’est Marichéri qui a choisi la déco de la cuisine. Et ce vendeur aguerri nous assure que notre maison est parfaite, sublime, un chef d’œuvre, mais il nous suggère quand même de tout repeindre en blanc, c’est plus vendeur (et pas du tout salissant). Sinon, pour l’achat, pas de problème, il a ce qu’il nous faut. Un château à plusieurs millions de livres, signez là.
On a l’amical, sourire malicieux, blagues désopilantes sur l’inefficacité totale de ses concurrents (tous des nuls. On est bien d’accord). C’est très simple, il nous trouve éminemment sympathique. Bien sur qu’il va vendre notre maison, au prix qu’on veut, pas pour une bête commission (mais bon en même temps il est obligé de nous faire payer un petit quelque chose, ça lui fend le cœur), mais pour nous faire plaisir, on est pote. D’ailleurs, tant qu’on y est, il nous donne un rein, comme ça, pour montrer à quel point il est désintéressé et il nous adore. Et juste pour nous, ses amis à vie, sa famille de cœur, il a mis de côté un petit château, à prix cassé juste quelques milliards de livres. Signez là.
En 48 heures, je suis déjà au bord de la crise de nerf. Finalement, elle est sympa notre maison, et on n’est pas si à l’étroit que ça…encore une visite de requin estate agent cet après-midi, et on avisera. On laisse tomber nos velléités de déménagement ou on s’embarque pour des mois de stress à essayer de supporter ces vampires agents immobiliers?
*le titre paraphrase un documentaire animalier très connu de David Attenborough : Sharks-the truth