Chronique « La Mondaine (T2) » : Quand mon coeur fait boum…
Scénario de Zidrou, dessin de Jordi Lafebre,
Public conseillé : Adultes, grands adolescents
Style : Drame social
Paru chez Dargaud, le 29 aout 2014, 64 pages, 14,99 euros
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L’histoire
Avril 1944, Paris est sous les bombes. Un petit groupe se protège du bombardement dans une bouche de Métro. En attendant que la pluie de fer passe, un gradé allemand particulièrement philosophe et amateur de Prévert, débouche le champagne. Avec l’inspecteur Louzeau, une prostitué de sa connaissance et une autre jeune femme, les quatre hurluberlus sortent dans la rue et défient les bombardiers, en chantant « Quand mon coeur fait boum »….
Deux ans plus tôt, Paris est occupé. La police française, sous gouvernement de Pétain partage ses locaux avec les forces d’occupation allemande et La brigade des moeurs vit avec… Le capitaine Séverin, amoureux de la bicyclette, ne pense qu’à organiser un tour des quais, à défaut de « Tour de France »
Emile Louzeau rend visite à Valentine, sa prostitué attitrée chez Madame Josepha, qui « lui ouvre ses cuisses pour qu’il ferme les yeux », tout en rêvant à Eeva, la fille des îles du Zoothrope…
Ce que j’en pense
Chic, voici la suite et fin d’un d’un grand cru. Les deux auteurs de « Lydie« , (Zidrou et Jordi Lafebre) finissent en beauté cette mini-série atypique. Commencée comme une balade, souvent ironique, au coeur du Paris occupé, ce second tome devient de plus en plus amère.
En suivant Emile Louzeau, jeune enquêteur au sein de la Mondaine, la police des moeurs, Zidrou brosse les portraits souvent dramatiques des hommes et femmes qu’il croise. Son père, curé défroqué, devenu fou; sa mère, femme désespérée devant l’adversité, les filles du bordel, qui n’envisagent pas d’autres issues… tout un peuple de petites gens, aux illusions brisées, aux destins foutus…
Moi, j’ai été souvent ému par ces tranches de vie poignantes, que Zidrou raconte avec crudité, une pointe d’ironie et quelquefois, comme une bulle qui s’échappe, une poésie fantaisiste et populaire « à la Prévert »….
Ce drame aux accents cyniques, Benoit Drousie (Zidrou) le met en scène avec une maturité incroyable. Alternant planches sans paroles et scènes intimes, émouvantes, il pousse sa science du récit par le non-dit et les dialogues. Du grand Art !
Le dessin
C’est pénible à dire, mais c’est parfait ! Je n’ai rien à reprocher au dessin de Jordi Lafebre, tellement je le trouve mature et expressif. Son trait semi-réaliste aux personnages légèrement exagéré, rend la foule de ces petites gens avec une expressivité incroyable. Chaque geste, chaque expression est juste et adaptée à la situation. A croire que le dessin de Jordi et le scénario de Zidrou ne font qu’un.
La reconstitution de Paris sous l’occupation est elle aussi particulièrement réussie et vraisemblable. Scènes d’intérieur sobres, de rues sous la pluie, Jordi accorde son dessin avec une mise-en-couleur sobre et immersive. Une réussite !
Pour résumer
Avec ce second tome, Zidrou et Jordi Lafebre clôturent leur balade douce-amère dans le Paris occupé. Sous l’oeil goguenard et désenchanté du jeune lieutenant de police Emile Louzeau, découvrez une galerie de portraitsdécalés et souvent tragiques. Un dessin expressif et parfait, de l’empathie, des histoires intimes, des drames du quotidien et une pincée d’espoirs et de folie, les auteurs nous ont concocté un diptyque rare et émouvant que vous ne pouvez éviter, si vous aimez la bande-dessinée.
Pour continuer la lecture :
- Notre chronique du premier tome de « La Mondaine »
- L’interview de Jordi Lafebre réalisée pour la sortie de « La Mondaine » (T1)
- L’interview décalée de Zidrou.
- Notre chronique de « La peau de l’ours« , un polar intimiste signé Zidrou.
- « Les Folies Bergère« , la guerre vue par Zidrou…