Ça se passait en Caroline.
Du Sud ou du Nord peu, importe.
Il y avait ce match de football collégial ou universitaire comme il y en a beaucoup aux États-Unis d'Amérique. Ils tiennent ces équipes et ces rencontres afin de montrer aux autres universités comment bien ils sont organisés. Comment bien ils peuvent encore rassembler tous ses jeunes, même dans le loisir. C'est la domination scolaire, absolue, c'est toujours salle comble.
Cette fois-là, dans la foule, il 'y avait pas que les traditionnels étudiants. Il y avait aussi bien plusieurs adultes, des recruteurs sûrement, de simples passionnés de football, des parents aussi. Parmi ces parents: Bill Murray. L'acteur. Son fils jouait ou ne jouait pas pour l'équipe locale, peu importe, ça n'a pas de pertinence dans mon histoire. Ça explique seulement pourquoi Murray s'y trouvait. Chose certaine il fréquentait ce collège ou cette université et papa s'introduisait dans le rituel du fruit de ses amours.
C'est joli la célébrité , les sous et tout et tout, mais quand vient le temps de faire les petites choses du quotidien, c'est aussi compliqué. Bill Murray ne peut pas aller là où le souhaite sans continuellement se faire pointer, se faire aborder par des inconnus, et maintenant que tout le monde a un téléphone, se faire prendre en selfie avec l'étatsunien moyen, simplement heureux d'immortaliser sa bouille et la sienne de chien crevé.
Ce jour-là n'était pas différent. Murray avait passé l'après-midi à ne pas être tranquille en compagnie de son fils. Il comprenait la nature de tout ça et savait très bien ce qui en était la cause, mais en restait secrètement plutôt agacé.
À la fin du match, tout le monde est sorti et dans les mouvements de foule, Murray a dû s'arrêter à plusieurs reprises afin de signer des autographes ou à accepter de se faire prendre en photo. Une fois dehors, il s'en est excusé à son fils, dont les simples échanges de conversation devenaient extrêmement compliqués à se faire continuellement couper par des étrangers en proie à l'admiration hollywoodienne.
Une fois sur le trottoir, hors du stade, Murray et son fils croyaient avoir un petit moment de répit, puis, une jeune fille, qui en d'autres circonstances aurait été très agréable, mais qui cette fois, probablement envoyée vers Murray car elle était la plus charmante d'un trio d'amis, s'est avancé pour à nouveau couper le moment d'intimité entre un père et son fils. Elle a demandé à Murray si il acceptait de signer le ballon de football qu'elle tenait dans ses mains.
Bon joueur malgré tout, Murray a signé d'un geste qu'il avait répété depuis si longtemps maintenant.
Puis, pris d'un élan, presque d'un spasme qui l'aurait sorti d'un coma adolescent, il a crié avec stupéfaction : "A FOOTBALL!" en constatant ce qu'il avait entre les mains.
"WILL HE REACH THE GOAL POSTS? THE GAME IS ON THE LINE WITH THAT KICK!" a-t-il ensuite beuglé avant de se prendre un élan et de botter le ballon tel un botteur voulant réussir un converti de trois points d'une bonne distance en hurlant une onomatopée digne de l'époque des crocs-magnons.
Le botté a propulsé la ballon si loin dans les airs, par-dessus la rue, par-dessus le parc et loin derrière le bassin d'en face qu'il s'en est fallu de peu pour réaliser qu'il venait d'être botté par un non-professionnel.
Après une seconde de stupeur, la jeune fille et ses amis sont partis à la course afin de retrouver ce ballon, maintenant potentiellement retrouvable exclusivement sur EBay, et à fort prix, alors qu'il était leur quelques secondes auparavant.
Le fils de Bill Murray riait. Murray avait ce qu'il voulait. La paix.
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Ça se passait ce weekend.
Nous étions avec des amis à notre condo dans le nord. Il a fait extraordinairement beau.
Je travaillais de nuit dans la nuit de vendredi à samedi, dans la nuit de samedi à dimanche, puis dans la nuit de dimanche à lundi.
Mon fils est en plein très sérieux et horriblement intense camp d'entraînement de hockey Midget. Ses pratiques étaient en plein coeur du jour (18h, 16h) et samedi et dimanche.
J'ai passé beaucoup de temps dans mon auto à faire des allers-retours. J'ai oublié de me coucher certains soirs afin de pouvoir faire le pont avec le travail.
C'est joli le travail et les sous et tout et tout, mais quand vient le temps de faire les petites choses du quotidien, c'est aussi compliqué. Dormir? j'y ai pensé mais je n'avais pas beaucoup le temps. Mon corps est tombé ici et là sans que je m'en aperçoive à chaque fois. Au volant j'ai été plus-que-prudent ne vous inquiétez pas.
J'ai tout de même été de très bonne compagnie. Surhumain je fus.
Il a suffit de prononcer le mot "alcool" pour que je me sente saoul. On a eu beaucoup de plaisir entre amis. Un weekend de rêve. Entrecoupé de sales épisodes de quotidien.
J'aurais voulu que mes obligations soient condensées en un ballon ovale de football.
Vous auriez vu à quel point je peux botter loin, quand on se met dans le chemin de notre quotidien.