Il y a deux ans paraissait Libres!, opus n°1. C'était un événement éditorial sans précédent.
Libres!!, opus n°2, poursuit l'oeuvre entreprise alors de donner la parole dans un seul volume à une centaine de contributeurs libres.
Stéphane Geyres, dans son introduction à Libres!!, souligne que, si l'opus n°1 parlait surtout des principes de la liberté, l'opus n°2 parle de "la liberté en pratique". Et que l'empreinte y est nettement plus libérale que dans l'opus précédent, c'est-à-dire plus radicale...
Après la présentation de la première partie, Points de Vues de Libéraux, celle de la deuxième, Aspects Cachés de la Liberté, celle de la troisième, Mythes à la Peau Dure, voici la quatrième:
MIEUX COMPRENDRE LA LIBERTE
"Arrive un moment plus technique, la partie Mieux Comprendre la Liberté proposant d'approfondir certains points de théorie libérale." (Introduction de Stéphane Geyres)
Patrick Aubin aborde la définition de la propriété. La définition réductrice est de dire qu'il s'agit de "la possession d'un bien matériel acquis après un échange économique", alors que la propriété au sens plein du terme est constitutive du droit supérieur, le droit naturel. Du fait de sa présence sur terre l'homme est propriétaire de lui-même et des fruits de son travail et cette propriété de soi-même est antérieure à toute loi et à toute organisation humaines:
"L'unique but de la loi humaine: garantir la propriété de soi et des fruits du travail de chacun contre l'arbitraire. Par conséquence, il est illégitime que la loi écrite octroie au moindre pouvoir la possibilité de spolier et de redistribuer, même sous un noble prétexte, la propriété naturelle légitime." ( Reconnaître la propriété de soi)
C'est pourquoi, que le pouvoir soit absolu ou qu'il soit démocratique, il est illégitime quand il se livre à la spoliation ou à la redistribution.
Emmanuel Brunet Bommert distingue deux élites rivales, l'élite naturelle, à qui il est possible de faire confiance - elle fait preuve de sagesse -, et l'élite autoritaire, qui en abuse en accordant des privilèges à ceux qui se soumettent à elle:
"L'élite se fait autoritaire lorsqu'elle représente une menace et voit se développer son influence en touchant un nombre croissant de personnes. Ceci l'autorise à prélever des ressources, à imposer ses croyances, contraignant de quelque façon que ce soit, à agir d'une manière inadmissible autrement." (L'élite morale)
La liberté consiste donc aussi à reconnaître l'élite de confiance sans laquelle il n'est point de garde-fous.
Nicolas Prin continue avec la confiance qui est un préalable à tout échange entre deux personnes dans un contexte donné:
"Faire confiance à quelqu'un signifie, dans une société libre, envisager positivement la possibilité d'une coopération volontaire, condition sine qua non à l'établissement d'une transaction future. Sans confiance, le coût de la transaction est alors considérablement augmenté et la qualité de la communication avec la contrepartie est minimisée, car moins spontanée." (La relation de confiance)
Le mot important est volontaire. Sans consentement il ne peut y avoir d'échange libre, donc relation de confiance. Cette relation de confiance n'empêche pas qu'un contrat ne soit établi pour "faire de la promesse une réalité aux yeux d'autrui et permettre ainsi le recours à un tiers".
Thomas Heinis approfondit la notion d'échange, qui est gagnant-gagnant ou n'est pas:
"Un échange a lieu lorsque deux partenaires y trouvent un avantage mutuel: l'un a besoin de quelque chose qui appartient à l'autre et inversement. Or, chacun de nous ayant sa propre échelle de valeurs, l'échange n'a pas lieu parce que les valeurs accordées aux objets sont les mêmes selon chacun des partenaires, mais parce que chacun d'eux estime être gagnant dans cet échange." (La paix par le négoce)
C'est parce que chacun y est gagnant que le commerce est un outil de cohésion sociale. A l'échelle internationale, il "est au coeur même du progrès pacifique". L'Histoire montre que le développement humain n'est en effet pas le fruit de conquêtes militaires...
Marc Lassort montre que les crises économiques sont prévisibles et prévues par les économistes de l'Ecole autrichienne, qui n'ont pas besoin d'économétrie, de statistiques ou de mathématiques pour ce faire:
"Pourquoi sont-elles brutales? Pourquoi se produisent-elles soudainement et pourquoi sont-elles d'une rare violence? Tout simplement parce que des politiques monétaires ou budgétaires, des normes, des réglementations, des monopoles et des rentes sont venus parturber le processus naturel de rééquilibrage du marché." (Pourquoi des crises économiques?)
Jean-Louis Guenego rappelle que la monnaie existe parce qu'elle permet des échanges plus faciles entre les gens, des échanges indirects - le troc étant l'échange direct. Les propriétés d'une monnaie sont toujours celles définies par Aristote: l'intermédiaire dans les échanges, l'unité de compte et la réserve de valeur. Une monnaie forcée est une monnaie imposée par un Etat sur son territoire sans garantie de personne, alors qu'une monnaie libre est choisie par ses détenteurs, qui en sont chacun un petit peu les garants:
"Ces monnaies sont la monnaie. Elles existent depuis la généralisation de l'échange indirect par l'homme. Les monnaies libres sont encore utilisées et le seront encore même si les Etats imposent leurs monnaies fiat. Elles sont par exemple constituées des métaux précieux, dont le plus connu est l'or. Les monnaies libres se réinventent et elles envahissent le monde de l'Internet avec les monnaies virtuelles totalement décentralisées dont la plus connue est le bitcoin." (Pour la monnaie libre)
La déflation n'est pas la calamité à éviter à tout prix, comme l'explique Thibaut André. A condition qu'elle soit naturelle. Ce qui se produit quand la monnaie est libre comme l'or, par exemple. Dans ce cas-là, en raison de son extraction et de sa production difficiles, la masse monétaire est relativement stable:
"D'une masse monétaire relativement stable rapportée à une production croissante, il résulte une baisse des prix. C'est la manifestation de la déflation. Sa cause est soit la contraction de la masse monétaire, soit la stabilité de cette dernière par rapport à la croissance de la production, et en général, une conjonction des deux phénomènes." (La déflation)
La déflation "entraîne un aléa moral en faveur de l'épargnant et du créancier et sanctionne le débiteur permanent par un renchérissement de sa dette. Ce faisant, elle induit une limitation des abus de tous les individus et organisations satellites gravitant autour de l'appareil étatique"...
Tout le monde discrimine, rappelle Guillaume Nicoulaud:
"Discriminer c'est choisir, c'est adapter son comportement à ses préférences, c'est exercer son libre-arbitre. Nous faisons ça tout le temps. Tous. Nous discriminons entre des produits et des services, nous discriminons entre des candidats aux élections, nous avons tous discriminé en choisissant celui ou celle qui partage notre vie - et pas qu'un peu!" (La discrimination)
Cependant, la discrimination en fonction de caractères ethniques, religieux ou de préférences sexuelles est imbécile. Pourquoi? Parce que "celui qui porte de tels jugements prend des décisions contraires à ses propres intérêts". Mais il ne sert de rien d'adopter des dispositifs réglementaires pour l'en empêcher. Seuls les champions de tels dispositifs en tirent profit: "on est dans le domaine de la communication politique et de la posture à vocation électoraliste. Ni plus ni moins."
Jan Patteyn défend la liberté d'expression, nécessaire à l'épanouissement de l'homme:
"Le recours à la censure, en imposant le singulier aux dépens du pluriel, casse la faculté de l'homme de se définir en tant qu'individu. Victime de la standardisation de la pensée, celui-ci n'est alors plus en mesure de s'épanouir pleinement. Une société authentiquement libérale ne peut tolérer de tels procédés. L'homme libre est propriétaire de ses idées, assume ses choix. L'expression publique de son avis ne tient qu'à lui et ne saurait donc faire l'objet du contrôle de l'Etat." (La liberté d'expression)
La libre expression a cependant une limite, celle du respect de la propriété de soi comme de la propriété des biens: "l'agression, par exemple, parce qu'elle constitue une violation de propriété privée (celle de la victime) ne peut être tolérée".
Les diplômes de l'enseignement supérieur sont dévalorisés parce que l'offre de diplômés est supérieure à la demande et parce que la valeur intrinsèque des diplômes a baissé pour permettre le succès au plus grand nombre. Les conséquences en sont désastreuses: le nombre de personnes surqualifiées augmente et ceux qui sont peu qualifiés ne trouvent pas d'emploi faute d'être détenteurs du diplôme requis. Nicola Tournay propose comme remède de privatiser l'enseignement supérieur:
"La revalorisation des diplômes n'est ni coûteuse ni compliquée à mettre en oeuvre: elle nécessite juste le retrait pur et simple de l'Etat. Une mesure que d'aucuns pourront qualifier de "réactionnaire" ou "antisociale", tellement le dogme du financement public de l'enseignement est tenace, tant à droite qu'à gauche." (La revalorisation des diplômes)
Avantages: les étudiants paient le coût réel de leurs études - les meilleurs obtiennent des bourses, les plus motivés empruntent -, le fardeau fiscal diminue, les établissements mis en concurrence sont obligés de veiller à la réputation de leurs diplômes.
Parallèlement il faut abolir les conditions étatiques d'emploi sur diplôme...
Kévin Mailly souhaite la suppression des subventions aux associations caritatives pour qu'elles fonctionnent mieux:
"Laisser aux individus la liberté de financer les organismes qu'ils désirent soutenir, par conviction, solidarité ou raison personnelle, est justement le meilleur moyen d'allouer des ressources sans que les organismes publics n'en détruisent une bonne part en frais de fonctionnement. D'autant qu'en octroyant des subventions, l'Etat engage une compétition entre les associations qui vont alors consacrer une part de leurs ressources à monter des dossiers, rencontrer des fonctionnaires dédiés, remplir les formulaires adéquats à leur obtention etc." (Les associations caritatives)
La Charity Aid Foundation dans son rapport annuel constate que plus un pays est libre, plus ses habitants se montrent généreux envers les causes de leur choix... Les Etats-Unis détiennent la palme en 2013...
Laurent Carnis part du constat que les réseaux routiers sont mal entretenus, que la sécurité des personnes n'y est pas assurée, qu'il y a des niveaux de congestion importants et que les accidents y sont trop nombreux. En cause? Leur gestion socialisée. Il propose de privatiser les routes pour y remédier:
"La privatisation des routes représente à la fois le meilleur moyen pour que la population puisse bénéficier de services routiers performants et une mesure de justice à l'égard des légitimes propriétaires spoliés [ceux qui ont fait l'objet d'expropriation]. Le processus de privatisation défendu dans cette contribution repose sur le principe d'identification des propriétaires initiaux et celui de restitution fiscale."
Gabriele Lafranchi s'attaque aux politiques d'immigration:
"Les politiques migratoires ne sont rien d'autre que des politiques de limitation de la liberté de mouvement, d'échange libre ainsi que de la liberté de contracter. Pour un libéral, la liberté d'immigrer (et donc d'émigrer) est un droit fondamental de l'individu qui vient de la liberté de faire ce qu'on veut de sa propriété. Louer mon appartement à un étranger ou engager dans mon entreprise quelqu'un qui provient d'un autre pays, c'est mon choix et mon droit absolu." (L'immigration)
C'est la théorie. En pratique, les libéraux divergent sur le sujet et l'existence de l'Etat - notamment de l'Etat-providence - est à l'origine de ces divergences. Il convient donc, pragmatiquement, de se battre pour plus de choix de marché et moins de choix démocratiques, pour que les décisions politiques se prennent au niveau le plus proche des individus, pour que les lois anti-discrimination soient abolies et pour que le libre-échange devienne le seul arbitre des relations humaines.
Nicolas Fabre cite la définition que donnait Thomas Jefferson, dans son discours inaugural de 1801, sur ce que devrait être une politique étrangère juste: "La paix, le commerce, et l'amitié honnête avec toutes les nations - des alliances contraignantes avec aucune." Autrement dit, la politique étrangère ne devrait pas exister:
"Comment deux peuples qui échangent, qui sont interdépendants, pourraient-ils se faire la guerre? Les classiques l'avaient compris. De Smith à Ricardo, la thèse défendue - celle des avantages comparatifs - fut que deux peuples qui commercent ne se font pas la guerre, et au contraire deviendront tous deux prospères. Le capitalisme mène certes un jeu de concurrence, mais ce dernier est juste et repose sur la profonde égalité entre les agents qui prospèrent librement et mutuellement." (Politique étrangère, ou pas?)
Comment pensait-on résoudre les problèmes de l'humanité il y a seulement vingt ans? David Renaud Kessler répond: par des organisations para-étatiques. Aujourd'hui, dans un monde de plus en plus connecté, c'est "laissez faire les individus" qui est la bonne réponse: de plus en plus les individus prennent leur destin en main, ils s'associent librement et spontanément pour des causes communes limitées dans le temps et dans l'espace et ils savent mieux que quiconque ce qui est bon pour eux:
"Les solutions apportées par des individus aux problèmes globaux sont plus nombreuses chaque jour. Celles qui feront la différence demain ne sont pas encore connues." (Les problèmes à l'échelle de l'humanité)
Stéphane Geyres, à ceux qui craignent l'épuisement des ressources de la planète, objecte:
"L'histoire et la logique montrent que l'humanité est bien plus sophistiquée et sait s'adapter bien mieux qu'il n'y paraît, en faisant évoluer son besoin et sa consommation en ressources à la fois en nature (technologie) et en quantité (marché)." (Demain, la décroissance?)
Mais l'humanité ne s'adapte que grâce au mécanisme des prix qui permet justement de contrôler la consommation des ressources. Quant une ressource devient plus rare, son coût augmente et des solutions alternatives trop coûteuses auparavant deviennent abordables; la probabilité même de trouver ces solutions augmente.
Ce mécanisme des prix - le marché - ne fonctionne que s'il est libre. Quand il ne fonctionne pas, c'est " toujours le signe d'un biais étatique, d'une intervention ou d'une loi qui sort le marché de sa fonction. Sans exception." Plutôt donc que de chercher à réduire les besoins, il convient de militer pour une plus grande liberté de tous et de chacun dans la société pour trouver moyen de les satisfaire autrement.
Thierry Falissard se fait défenseur d'un Etat qui serait "rendu à ses missions principales", c'est-à-dire en définitive à peu de chose. Il serait recentré sur son corps de métier qui est de rendre le meilleur service aux citoyens considérés comme des clients plutôt que les citoyens ne soient à son service et considérés comme des esclaves:
"A qui nous accuserait de vouloir faire passer l'Etat en des mains privées, nous répondrons que c'est déjà le cas! L'Etat actuel est la propriété de ceux qui en ont les rênes, officiellement (politiciens, fonctionnaires) ou officieusement (lobbies, syndicats, associations). Il faudrait le rendre à ses propriétaires légitimes, ceux qui paient pour lui: que les décideurs soient les payeurs, les payeurs les bénéficiaires."
C'est ainsi que l'on passera un jour, peut-être lointain, "d'une société d'oppression et de pauvreté à une société de liberté et de prospérité"...
Francis Richard
Episodes précédents:
"Libres!!" du collectif La Main Invisible 1/7: Points de Vues de Libéraux
"Libres!!" du collectif La Main Invisible 2/7: Aspects Cachés de la Liberté
"Libres!!" du collectif La Main Invisible 3/7: Mythes à la Peau Dure