S’il y a un aspect du Web 2.0 qui ressort de façon évidente, c’est l’espace d’expression qu’il offre à tout un chacun. Forums, blogs, réseaux sociaux, la majorité du contenu sur le web est désormais produite par ceux qu’on appelait autrefois utilisateurs.
Ceux à qui l’on proposait de venir lire les beaux discours, regarder les belles images que l’on avait préparés pour eux, s’emploient désormais à préparer eux aussi de beaux discours et de belles images !
Pour ce qui touche à la communication, cette évolution ressemble bien à une révolution : la parole, qui jusqu’ici restait entre les mains d’une minorité (patrons et responsables de communication, journalistes, représentants d’associations d’usagers ou de consommateurs) se redistribue entre des acteurs beaucoup plus variés.
Au point même que « l’homme de l’année » selon Time magazine en 2006 est…
…vous !
Le journal reconnait cette (r)évolution portée par le web 2.0 : le participatif déborde des quelques espaces qu’on lui avait octroyé, et s’affirme comme un ingrédient essentiel désormais.
L’internaute a pris la première place.
Cette redistribution des privilèges d’expression peut se comparer à l’avénement du principe démocratique. Face à lui, les critiques sont similaires : peur de la prédominance des faibles si l’on redistribuait le pouvoir, crainte d’une « victoire de l’ignorance » si l’on partageait la parole…
LA LEGITIMITE DE LA PAROLE EN QUESTION
Les arguments ont donc fusé pour décrédibiliser ces nouvelles formes d’expression. L’expertise, la déontologie, autant de concepts brandis pour dévaluer l’information produite sur les blogs et autres média citoyens.
Quelle que soit la sincérité de ces protestations, on peut tout de même remarquer à quel point ceux qui dénoncent ces nouveaux canaux d’informations se trouvent justement être ceux qui détiennent une parole légitime. Consciemment ou non, ces détracteurs défendent une situation de pouvoir.
J’aurais une position plus modérée, et si la multiplication et le flou des sources d’informations brouille la lecture, j’aurais presque tendance à trouver cela positif.
Si l’émergence du Web 2.0 doit forcer chacun à développer un esprit critique plutôt qu’à adhérer aux positions ou analyses déjà digérées par des « spécialistes », est-ce là une direction si négative ?
ORGANISER LES DISCOURS :
LE NOUVEAU CHALLENGE DE LA COMMUNICATION ?
Quoi qu’il en soit, et pour aller au-delà des querelles, cette révolution est surtout intéressante en cela qu’elle ouvre de nouvelles perspectives pour la communication. Qu’on le veuille ou non, qu’on lui accorde crédit ou pas, cette multitude de discours est là, et ils est désormais indispensable de la prendre en comte.
Au XXè siècle, la communication consistait à peu de choses près à mettre en forme les messages qu’une structure souhaitait diffuser, et à les transmettre aux personnes ciblées.
La structure se pensait comme seule légitime à parler sur elle-même, avec quelques relais identifiés (journalistes, …) qu’elle tentait de faire aller dans son sens autant que possible.
Au XIXè siècle, le rôle de la communication pourrait alors être celui d’organiser et de coordonner les discours tout autour d’une structure. Ceux qu’elle tient sur elle-même, mais également ceux de ses partenaires, ses clients, ses détracteurs…
Une vision plus complexe, plus systémique (et en cela plus proche des théories de la communication, telles que vues par l’école de Palo Alto par exemple)… et bien plus motivante à mon sens, de ce vers quoi pourrait évoluer le travail des professionnels de la communication !
A VOIR / A LIRE
Andrew Keen [blog] : The Cult of Amateur - cf présentation dans le NY Times (en)
Le dossier de Françis Pisani pour Le Monde : Web 2.0, culte de l’amateur et désordre moral ?
L’étude de TNS SOFRES sur le Web 2.0 et les marques, qui s’interroge sur le crédit apporté aux internautes, aux sites de marques, etc.