Pour exercer le métier d’interprète en langue des signes il faut parfois savoir voyager très loin. Dans l’espace bien sur mais aussi dans le temps, vers des lieux imaginaires, sur d’autres planètes…
Ainsi ma collègue originaire de la Nouvelle-Orléans, Shari Bernius a été embauchée il y a 1 an et demi par les producteurs du film "Planète des Singes – l’Affrontement" pour permettre aux homidés (humains et chimpanzés) de s’exprimer en langue des signes américaine (ASL).
En effet, pour ce nouvel opus, le réalisateur voulait montrer des singes doués d’une intelligence supérieure et sachant communiquer par signes ou pour certains par la voix. C’est pourquoi il a fait appel à Shari qui leur a enseigné les rudiments de l’ASL. Ainsi quand le méchant primate signe "nous pouvons les détruire, ils sont encore faibles", vous pouvez admirer le résultat de longues heures de travail hors-écran menées par Shari Bernius.
Comme elle l’explique, "pour les comédiens "humains", avant le tournage, j’ai travaillé de nombreuses heures avec eux, j’organisais notamment via Skype des sessions de formation".
Bien sur elle fut aussi présente sur le tournage, dans le parc d’attraction abandonné "Six Flags" qui a servi de décor au film, afin de poursuivre son enseignement, essayer de corriger leurs erreurs et suivre les changements dans le script souvent décidés à la dernière minute.
Si l’enseignement de l’ASL aux humains n’a pas posé trop de problème, elle a dû en revanche s’adapter pour les primates et travailler en partenariat étroit avec Terry Notary, leur éleveur. Ainsi, elle réalisait de courtes vidéos traduisant les phrases du scénario qu’ils étaient censés signer puis Terry faisait répéter ses jeunes apprentis comédiens chimpanzés en tenant compte de leur morphologie, de leur motricité, de leur mimique faciale, de leur façon de grogner…
Bref au final, comme le souligne Shari Bernius, c’était une langue des signes plus "primitive". "J’ai enseigné à Terry la langue des signes américaine et il m’a initié à la langue des signes singe !"
Aujourd’hui après avoir vu le film, comment juge-t-elle les performances en ASL de ses élèves primates et humains ?
"Après l’avant-première, Matt Reeves le réalisateur m’a demandé ce que je pensais du résultat. J’ai été clair avec lui, je lui ai dit qu’on avait foiré, que ça ne ressemblait à pas grand chose. C’était terrible, tandis que je regardais le film je n’arrêtais de me dire, mais ça ne veut rien dire, ce n’est pas du tout ce que je leur ai appris ! Puis en sortant de la séance j’ai enfin réalisé que c’était normal, après tout ils étaient censés s’exprimer en langue des singes et non des signes".
https://www.youtube.com/watch?v=bVXVl8u7IRY
Plus d’infos sur le site du The Times-Picayune