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Les Esclaves de Paris, polar d'Emile Gaboriau (1867)

Publié le 26 août 2014 par Mpbernet

esclavesParis

Un des plus longs et des plus accomplis des romans d’Emile Gaboriau, publié en 1867, après L’Affaire Lerouge, Le Crime d’Orcival et Le Dossier n°113. Sur 734 pages et deux tomes – Le chantage et Le secret des Champdoce – Gaboriau met en scène une effroyable machination ourdie par trois associés criminels sur une durée de plus de vingt ans.

Benoît Mascarot, propriétaire d’un bureau de placement de domestiques des deux sexes en est l’âme, le médecin homéopathe Hortebize et l’avocat Catenac, ses principaux complices. Bien placés auprès de la haute société comme de leur domesticité, ils recueillent méthodiquement les honteux petits secrets de la population parisienne et les convertissent en paiements sans fins. Au bout de vingt-cinq années d’efforts opiniâtres tournant autour de deux familles de la plus haute noblesse, ils disposent d’une mine de renseignements suffisamment fournie pour mettre enfin à exécution leur plan machiavélique qui consiste à obliger leurs victimes à souscrire massivement aux actions d’une chimérique mine de cuivre, puis à disparaître avec la caisse.

Le titre du roman recèle une mine de clins d’œil : aux Mystères de Paris d’Eugène Sue, à la situation d’enchaînés que subissent les nobles face au « Qu’en-dira-t-on », aux foudres de la caste qui ne tolère aucun écart de conduite même après prescription, à la soumission des jeunes gens, filles et fils, esclaves de la volonté de leurs pères, à la cruauté des maris se croyant outragés, à la dangerosité des lettres – mais comment communiquer autrement : écrites, falsifiées, décodées, portées par des domestiques, mal protégées, dérobées …

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Ce n’est pas pour rien non plus qu’Emile Gaboriau fut le secrétaire de Paul Féval (Le Bossu). Son personnage récurrent, Monsieur Lecoq, est un as du travestissement. Mais il trouve ici son maître car l’un des protagonistes n’hésite pas à endosser tour à tour deux personnalités différentes de la sienne pour parvenir à ses fins.

Il s’agit donc d’une escroquerie monumentale assise sur le chantage croisé de deux familles de la plus haute noblesse. On retrouve ici les ficelles classiques du feuilleton du XIXème siècle et des figures de style déjà utilisées par Gaboriau comme la substitution d’enfants soupçonnés de bâtardise puis la redécouverte d’héritiers sous les traits de jeunes hommes honnêtes et pauvres.

Les héros principaux de cette histoire sont deux jeunes garçons, à 25 ans d’intervalle : l’un est noble mais vit comme un paysan de par la volonté farouche de son père avare jusqu’au dernier instant, l’autre est un peintre doué obligé de vivre comme sculpteur ornemaniste pour se payer leçons et matériel. Dans le Paris d’Haussmann, il ne manque pas de travail. Mais son destin n’est pas de finir sur un échafaudage, encore que …

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L’écriture est toujours aussi dynamique, les expressions des personnages d’un réalisme extraordinaire, les actions s’enchaînent comme au cinéma. Malgré le décalage temporel, on arpente les rues de Paris des Champs-Elysées à l’Avenue de l’Impératrice, de la rue Montorgueil à la rue Sainte Anne, on s’accroche à l’arrière des fiacres pour filer certaines proies, on attend dans l’antichambre d’un couturier qui traite ses pratiques comme du bétail avec un fort accent hollandais … La solution de l’intrigue intervient en toute fin du roman, avec l’intervention fortuite de Monsieur Lecoq et de ses lunettes cerclées d’or, sa bonhommie envers les gens honnêtes et sa férocité à l’encontre de ceux qui n’ont pas hésité à aller jusqu’au crime pour parvenir à leurs fins.

Une remarque : ces histoires d'un autre temps ne sont pas si éloignées de nos moeurs contemporaines lorsqu'on pense à l'enregistrement des conversations intimes d'une certaine richissime héritière par son maître d'hôtel ... et aussi à toutes les techniques d'espionnage électronique utilisées par les experts de tous bords ....

Bref, encore une fois, je me suis régalée et regrette simplement que l’édition « Omnibus » ne comporte pas un troisième tome …

Les dernières enquêtes de Monsieur Lecoq, d’Emile Gaboriau, présenté par Thierry Chevrier, volume II, Editions Omnibus1068 p.,  29€


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