La suite nous en donnera rapidement l'occasion. Protomartyr, c'est une tuerie et il ne faut pas longtemps pour en prendre la pleine mesure. Si Anna Calvi jouait de son charme, le chanteur de Protomartyr attaque sur un autre registre, une étonnante nonchalance scénique entrecoupée de brusques accès de colère. "Scum, Rise!" devient en concert un truc de dément, donnant la furieuse envie de sauter dans tous les sens. La prestation des américains originaires de Detroit - la ville des Stooges et du MC5 - réussit l'exploit de ne jamais baisser en intensité. Après ça, les revenants de Slowdive auront fort à faire... Et si une grande majorité des spectateurs semble immédiatement séduit par la toujours fringante Rachel Goswell et la musique planante de son groupe, ce n'est pas notre cas. Slowdive est un cas à part. Voici une formation qui, pendant sa courte existence, n'a connu que très peu le succès, public comme critique mais qui, les années passant, gagne aujourd'hui une surprenante crédibilité artistique. Je reste persuadé que la vérité se situe quelque part entre les deux. On les rapproche du mouvement shoegaze mais c'est plutôt de dreampop dont il s'agit. Sans eux, pas de Beach House. Si "When The Sun Hits", un de leurs titres les moins calmes fait son petit effet, je me suis largement ennuyé pendant leur set. C'est joli tout plein, les membres du groupe ont l'air éminemment sympathiques et heureux d'être là. Je comprends l'engouement des fans, moins un tel retour en grâce. Ils manquent cruellement de charisme. A tout niveau. Leur musique n'a pas de forte personnalité, à l'inverse de My Bloody Valentine par exemple. N'en déplaise à certains, ils resteront pour moi un groupe mineur.
Tout l'inverse de Portishead, clou de la soirée. Ceux sans qui le fort Saint-Père n'aurait jamais été aussi rempli, malgré la boue. (11 000 personnes, quand même !) Les anglais de Bristol sont un des groupes les plus importants de ces vingt dernières années. Leurs trois albums sont autant de chefs d'oeuvre, avec une préférence pour le dernier en date, le monumental "Third". Beth Gibbons, comme à son habitude, ne joue pas la carte "glamour", elle chante affublée d'un jean et d'un sweat à capuche. Mais on n'en a cure, car l'émotion est à chaque instant palpable, avec quelques climax, comme une version acoustique de "Wandering Star" ou ce moment où la chanteuse, d'habitude réservée, ose descendre dans la fosse serrer quelques pognes. C'est peu dire qu'on attend un quatrième disque, tellement Portishead paraît vingt ans après "Dummy" toujours nettement au-dessus de la mêlée. Sublime. Comment enchaîner après ? Avec Metz ? Désolé, mais non, leur rock adolescent, bourrin et braillard n'arrive pas à nous retenir. Tant pis pour la suite (Liars et Moderat), car nos oreilles n'auraient pas supporté un tel supplice une heure durant. On rejoint donc notre voiture garée plus loin qu'à l'accoutumée, eut égard à l'affluence record. Ne voyant que dalle dans cette nuit opaque, je m'écroule lamentablement dans un talus plein de boue. Comme si le festival se vengeait de ce départ précipité. Pas rancunier, je sais que j'y reviendrai. J'aime toujours autant les embûches et les chemins de traverse de cette Route (du Rock) là !