Je est un autre
Il y a forcément un temps d'arrêt. D'abord. C'est un autre, obligé vu que ce que je vois m'est extérieur ; le monde et sa peuplade d'êtres disparates. Et quand bien même je me douterais bien de quelque chose, de quelque tour de prestidigitation, je penserai d'emblée que c'est un autre moi. Parmi tous les autres, celui-là est à la fois le plus familier et le plus étrange. Je me vis comme pure intériorité et lui n'est qu'extériorité. M'est avis que c'est un fake qu'un malin génie a mis là pour me tromper.
Cet autre qui gesticule est plat, sans relief, peut-être derrière une vitre, en fausse perspective. Je finis par en déduire qu'il n'est pas de ce monde, ayant essayé de voir s'il était caché derrière cette surface.
Et c'est quand, tout à coup, je vois une seconde maman que le déclic se fait. Pas possible, il n'y a qu'une seule maman. Tout cet espace devant moi est purement imaginaire. Cet autre est fictif, imagé, imaginaire. Du coup, je ne le vois plus dans son immédiateté mais par le filtre de la pensée de soi : la construction incessante de l'idée de ce que l'on peut être au regard des autres. Incessante car à jamais forclose par cette première rencontre.
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