Consultante depuis plus de sept ans dans ce cabinet, moderne et reconnue pour son professionalisme, je suis devenue responsable de mon secteur, spécialisée sur un domaine de l'économie, je ne dois rien à personne, sauf à moi, mon travail, mon investissement personnel.
Jeune recrue sortant d'une bonne école de commerce, j'ai commencé par un stage, un boulot de seconde zone idéal pour tester les nerfs virulents de mon ambition, celle aussi de mes jeunes collègues. Six mois de travail ingrat, de tâches diverses et mal gérées, mais un premier pas dans la structure, dans cet échange avec mon manager, le management en général, dans une hiérarchie multidimensionnelle, où l'on donne de son énergie pour répondre non pas à un objectif mais aux besoins d'un projet, compétences informatiques, en droit ou en comptabilité ou encore en finances, il faut alors croiser avec des développements commerciaux ou logistiques, voire plus tard stratégiques ou politiques. J'ai adoré ces années-là. Découverte, heures supplémentaires, happy hours du vendredi soir, projets réussis ou prolongés car vendus trop vite à bas prix pour obtenie ensuite des rallonges sans fin, des processus, des routines, des compétences toujours nouvelles, une phase si riche que je ne l'ai vu passé. Brillante, j'ai été souvent félicitée pour mon implication sans faille, mes semaines de six jours, ma disponibilité, ma droiture dans les conflits, ma diplomatie interne comme externe.
Mon petit appartement, je l'ai peu vu, les vacances étant anecdotiques ou ailleurs, j'ai surtout apprécié mon élévation sociale qui se retrouvait dans la taille ou la marque de mon sac à main. Chaussures aussi, de belles marques aussi pour mes tailleurs, ma mode, mes bijoux, j'ai affirmé mon statut de femme, mon allure avec les premières années. Flirter, parfois j'ai été approchée par de jeunes consultants, une fois par un client, plutôt par des managers célibataires après leurs deuxièmes divorces, la valise dans le coin du bureau. Rien, sauf des aventures, celles que je choisissais plutôt ailleurs. Mais cela n'a pas d'importance car j'ai un plan de carrière, une réelle envie de réussir, de devenir une brillante consultante. Orgueil peut-être !
Seulement entre deux bières, sur un projet en Allemagne, un déplacement de deux semaines, un soir au bar avec d'autres collègues, j'ai entendu leurs salaires, et là, j'ai compris que l'égalité n'avait qu'une face, un versant unique masculin, des nombreuses et minuscules facettes féminines. Mes oreilles ont enregistré, et ce soir, j'ai demandé un rendez-vous avec la DRH afin d'avoir une franche explication sur ce différentiel. Car les éternelles contournements seront difficiles à entendre "vous êtes plus jeunes", "vous avez été arrêter pour vos maternités", "vous êtes moins disponibles", "vous êtes une femme". Je suis comme eux, avec les mêmes études, un investissement bien réel, des retours de projets clients plus que satisfaisants, des félicitations et deux promotions, mais un salaire moindre. Où est l'égalité ?
A notre époque, nous ne devrions même plus en parler, sur des métiers, des cariières similaires, et pourtant. Alors je vais écouter, mais qu'ils sachent que dans ma boîte à email, un concurrent à répondu à ma recherche passive, avec une proposition, avec un contrat, avec un salaire supérieur aux autres collègues mâles. Moi aussi, j'ai une carte cachée dans mon jeu.
Nylonement