Passé le ‘choc’, le désagrément, le dépôt d’une déclaration à la police de l’aéroport, on fait le bilan: il y a une sauvegarde de l’ordinateur à la maison et au bureau, les ‘dégâts’ ne sont que financiers, les clés, au vu de l’éloignement de la Suisse, ne seront certes pas utilisées frauduleusement, la carte de crédit est annoncée volée et nous en avons d’autres sur nous. Bref, tout cela n’est que matériel et remboursable par l’assurance. On peut même arguer que c’est sympa d’avoir un nouvel ordinateur portable !
Il reste pourtant toujours un petit goût désagréable dans la bouche après ce genre d’expérience. Il n’y a pas eu, dieu merci, de violence physique, bien entendu le cash ne sera pas remboursé. Mais il s’agit d’autre chose de plus impalpable et intuitif: le sac à dos était un sac à dos auquel je tenais (même s’il n’avait rien de spécial). Mon ordinateur portait la trace de ses quelques chutes et était devenu un appendice de ma personne, pour le meilleur ou le pire. Le casque d’écoute était un cadeau de ma femme. J’étais attaché à ces objets, à des degrés plus ou moins importants : ils représentaient du vécu, des souvenirs, avaient parfois même une âme. Pourtant dans mon cas, il n’y avait même pas d’objet sans valeur qui aurait pu me toucher fortement émotionnellement (le porte-clés du petit dernier qu’il a bricolé pour la fête des pères…).
Donc me suis-je dit, j’arrive (je ne sais pas pour vous) à m’attacher à des objets parfaitement remplaçables, ‘communs’, même remboursés par une assurance dans le cas qui nous occupe parce qu’ils m’ont accompagné une partie de ma vie et en tant que tels, représentent quelque chose à mes yeux.
Cette réflexion m’a amené à faire un parallèle avec la discussion souvent entamée, mais pas vraiment résolue, sur le moment de la vente opportune d’actions qui ont bien performé (ou mal d’ailleurs!). En effet, je dois avouer que ma réflexion sur le vol des objets m’a amené à reconnaître que je m’attache à mes titres et surtout mes actions: est-il quelque chose de plus anonyme qu’une action (sans jeu de mots)? On ne les reçoit pas à la maison comme cela était le cas il y a encore quelques dizaines d’années. Elles sont une des possessions les plus virtuelles que nous puissions imaginer, elles sont la représentation d’une chose encore plus abstraite qu’est l’argent. Et pourtant chaque fois que je vends une action j’ai un pincement au coeur, un sentiment de trahison à quelqu’un (moi?), un ‘petit paradis’ perdu, des souvenirs qui me reviennent: titre acheté à ce moment (qui évoque d’autres souvenirs), réflexion faite avant l’achat, plaisir ou frustration de voir les choses évoluer dans le bon ou le mauvais sens, dividendes récoltés, peut-être même utilisation des dividendes: cette nouvelle voiture a été (partiellement) achetée grâce à ces dividendes.
Peut-être suis-je un cas un peu spécial et au fond cela ne me dérange pas trop. Par contre, je pense qu’une petite introspection serait intéressante la prochaine fois que vous vous défaites d’un titre et prenez quelques minutes à analyser ce qui se passe en vous: ce n’est pas neutre ni anodin, et avant tout, cela ne fait que de rendre la prise de décision plus compliquée car basée sur une subjectivité elle-même dépendante de ce qui vous arrive ce jour-là.
Mon petit conseil : objectiver l’analyse par l’implication d’autres personnes en qui vous avez confiance.