À juste raison.
Trintignant réagit mal et offre cette ligne comme explication, une ligne aussi magnifique et légitime que cruelle:
"Je n'ai absolument pas le temps ni la force, ni l'envie de gérer vos inquiétudes"
C'est vrai que dans ce film, le personnage de Trintignant se démène comme bien peu en sont capables sur terre jusqu'à s'en épuiser moralement. Cette manière de répondre à sa fille démontre que mentalement, il est au bout du rouleau.
C'est peut-être aussi simplement la voie masculine de la communication.
Comme la vie ne veut pas être simple autour de lui, le père de cet ami, est atteint de la maladie d'Alzheimer. Une maladie tout aussi merdique. On surf sur le sujet sans jamais y nager complètement. Et si c'est comme ça qu'il veut gérer tout ça, tant mieux, je n'insiste pas. J'ai connu le contraire d'une longue maladie avec mon père qui est parti aussi rapidement qu'il a vécu.
Je m'informe sur l'état de son père parce que je m'inquiète parfois pour lui. Pour eux.
Et j'ai les perceptions qui se transforment.
Cette famille est intensément transformée par la force des choses. Par les forces du mal.
D'une part il y a celle sous son toit, la mère de ses enfants, l'amoureuse, celle qui dort à ses côtés qui se bat contre cette sale maladie et de l'autre son propre père qui se détériore au faîte de sa vie.
Pour moins que ça, je ne dors pas.
La gestion du quotidien doit être parfois nettement teintée de glauques moments de noirceur.
Qu'ils repoussent (de notre point de vue) avec beaucoup de maturité.
Toutefois notre perception du quotidien à nous, leur entourage, est aussi changée.
Comme celui du personnage d'Isabelle Huppert dans le film d'Haneke.
J'ai eu un moment Huppert.
L'autre tantôt, j'ai posé une question toute simple à cet ami via courriel. Nous le faisons continuellement entre 4 ou 5 amis, nous ne nous demandons même plus comment ça va, comme nous sommes toujours devant nos machines à pianoter, on s'écrit directement comme si c'était des textos
"pis? dekessé?"
et ces deux mots (qui n'en sont pas) sont à eux seuls les mots Salut, j'espère que tu va bien, quoi de neuf?, qu'est-ce que tu faisais de bon? qu'est-ce qui te fais chier these days? What's up, you dumb fuck? etc.
(Je les réveillais avec mes conneries en plus!)
Et je ne lui ai pas fait part de mes inquiétudes parce qu'il n'a pas à gérer MES inquiétudes.
Il doit en avoir des tonnes à faire à négocier avec les siennes. Les leurs.
Je ne suis qu'une graine dans sa liste de priorité et c'est normal.
(...)
Il sera le premier à me souligner le caractère homosexuel de cette dernière ligne...
C'est à dire à la portion entre 3:02 et 6:15.
Des mots justes que sur de la belle musique,
un espace sonore où on travaillerait la bête pour finalement la vaincre,
puis les mêmes mots pour faire bonne mesure et donner le frisson.
Morceau me fait du bien chaque fois.
Particulièrement à 5:48.