La critique de Claude :
L’écrivain allemand Erich Maria Remarque a été rendu célèbre par son premier roman, « A l’Ouest, rien de nouveau », paru en 1929, tiré à une vingtaine de millions d’exemplaires, qui a fait comprendre ce qu’était la souffrance des combattants de 1914-18.
On connaît moins « Un temps pour vivre, un temps pour mourir », paru en 1954, qui rend compte des souffrances de la seconde guerre mondiale, celles des combattants comme celles des civils de ce qu’on appelle improprement l’arrière.
Les premières scènes se déroulent sur le front russe, dans une unité qui recule. Autour du jeune Ernst Gräber, qui est directement passé du lycée à la guerre, l’auteur a reconstitué le microcosme des combattants, ceux qui pensent avec angoisse à leur foyer, ceux qui s’engagent dans le Parti nazi, ceux qui ne cachent pas leur ancien engagement à gauche, ceux qui survivent comme ils peuvent.
Après deux ans de front russe, Ernst bénéficie d’une permission ; il rejoint sa ville, pour retrouver ses parents. Elle vient d’être bombardée, et son ancienne adresse, le 18 rue Haken, n’est plus qu’un tas de ruines. Il cherche ses parents partout.
Il en résulte un ensemble de portraits de civils dans la guerre, victimes des bombes autant que du contrôle social nazi ; ainsi certains en viennent à dénoncer leurs voisins à la Gestapo pour bénéficier de leur appartement (comme d’ailleurs pendant les grandes purges staliniennes en URSS).
Cette œuvre n’est pas seulement un roman de critique sociale, c’est aussi un roman d’amour, car la jeunesse reprend ses droits dans ce contexte infernal : Ernst retrouve Elizabeth, camarade de classe, et ils vont vivre comme un miracle les derniers jours de permission du soldat.
Enfin, ce livre aborde franchement le problème de la responsabilité du Peuple allemand dans la guerre et ses atrocités : Ernst n’ignore pas que ce sont les électeurs allemands qui ont, en mars 1933, porté Hitler et son gang au pouvoir, en élisant, à près de 44 %, un Reichstag nazi ; il s’interroge sur sa propre responsabilité, même s’il voit autour de lui, dans son unité comme dans sa ville, plus de victimes que de bourreaux.
Un livre à lire, dans ces temps où il est si important de bien comprendre notre partenaire allemand.
Un temps pour vivre, un temps pour mourir, roman d’Erich Maria Remarque (1954), éditions Folio, 508 p. - 8.90€