On ne le dira jamais assez, le vrai style italien passe par l’apprentissage des matières, de la coupe, et d’une nécessaire retenue stylistique – rien à voir, donc, avec les publicités tapageuses qui tapissent les pages de nos magazines : non, l’annonceur n’a pas raison par principe… À ses deux fils, Pier Luigi et Sergio, Franco Loro Piana avait coutume de répéter que seules des matières premières de qualité supérieure font la valeur d’une marque : ni le design, ni la publicité… Avec patience et discipline, les deux hommes apprirent donc à toucher, à soupeser, à jauger les laines ; à les acheter, à les vendre ; vigogne, cachemire, mérinos n’avaient aucun secret pour eux. Ils allaient les chercher en Mongolie, au Pérou, en Tasmanie, en Nouvelle-Zélande… L’annonce du rachat de Loro Piana par LVMH en 2013 (pour la somme, certes coquette, de deux milliards d’euros) a quelque peu éclipsé ce qui faisait le moteur de la maison : un goût prononcé pour les voyages et la découverte, un côté chercheur d’or très éloigné du marketing du luxe, un art de penser et de vivre à l’unisson de la clientèle. Elle ne doit pas faire oublier la personnalité des deux héritiers qui, en quelque 40 ans, ont réussi à faire de la très belle PME familiale un concurrent crédible de mastodontes comme Hermès.
Sergio Loro Piana, ou L’élégance sans ostentation
Responsable des collections de prêt-à-porter et du réseau de magasins Loro Piana (quand son frère, Pier Luigi, avait en charge la division textile), Sergio Loro Piana, dont le décès en décembre 2013 à l’âge de 65 ans, a surpris plus d’un amoureux du beau à l’italienne, avait mis au point pour lui-même un code vestimentaire sobre et classique qui lui permettait d’oublier ce qu’il portait. La plupart des photos, plutôt récentes, le montrent vêtu d’un élégant costume croisé Rubinacci à larges revers, d’une chemise aux rayures relativement larges et d’une cravate sombre parfois ornée d’un drapeau maritime, discrète référence à la voile – une passion dont témoignent à la fois certaines innovations Loro Piana (le Storm System, par exemple) et un événement sportif majeur, la Loro Piana Caribbean Superyacht Regatta and Rendez-Vous. Les chaussures ? Le plus souvent des derbies à boucle simple, ou, plus casual encore, des mocassins à semelle gomme en veau velours : le genre de contrepoint stylistique que seuls les Italiens sûrs de leur fait peuvent s’accorder sans trop de risques. Détail qui n’en est pas un : bien qu’il n’en fît pas la publicité, Sergio Loro Piana incarnait pleinement le vestiaire de la société qu’il co-dirigeait.
Vous avez dit « luxe » ? De même qu’on ne peut pas s’habiller contre son corps, on ne devrait jamais vendre ce en quoi on ne croit pas.