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UE : effondrement économique, chaos social et dictature policière...

Publié le 22 août 2014 par Philippejandrok

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Cet article de Nicolas Bourgoin est extrêmement intéressant :

http://bourgoinblog.wordpress.com/2013/12/09/ue-effondrement-economique-chaos-social-et-dictature-policiere/

Dans le plus grand secret est née une véritable machine de guerre contre les peuples, aux pouvoirs démentiels : l’Eurogendfor (en Français : Force de Gendarmerie Européenne). Créée en septembre 2004 et rendue opérationnelle en juillet 2006, cette unité d’intervention spéciale qui cumule les compétences de la police, de la police judiciaire, de l’armée et des services secrets est composée de 3.000 hommes déployables dans les 30 jours, y compris au-delà des frontières de l’Union, afin d’assurer des missions de maintien de l’ordre et de « gestion de crise ». Ses agents peuvent, lors de troubles sociaux ou de manifestations majeures de longue durée, utiliser des armes à feu contre les populations (grâce au Traité de Lisbonne qui permet aux forces de l’ordre d’infliger la mort aux émeutiers dans le cas où celle-ci résulte « d’un recours à la force rendu absolument  nécessaire » (article 2-2)), mettre des zones entières sous quarantaine militaire et retirer les meneurs de la circulation (voir ici)… sans êtres inquiétés pour d’éventuelles bavures, l’Eurogendfor ne pouvant être poursuivi en justice grâce à ses autorisations exceptionnelles, civiles et militaires. Ainsi, tous les bâtiments et tous les terrains qui sont pris par les troupes sont exterritorialisés et ne sont plus accessibles mêmes pour les autorités de l’Etat dans lequel la troupe intervient, ce qui revient de fait à suspendre le droit national en cas de lutte anti-émeute. Début 2012, elle a été envoyée en Grèce pour réprimer la contestation sociale et les manifestations contre les politiques d’austérité (voir ici). Parallélement au renforcement des politiques sécuritaires menées dans la plupart des états occidentaux depuis les attentats du 11 septembre sous couvert de « guerre contre le terrorisme », se met en place une politique de sécurité à l’échelon européen. Mais celle-ci est bien antérieure et a débuté avec la crise… du premier choc pétrolier.

L’édification d’un État sécuritaire européen, versant obscur des politiques de libre-échange.

L’Europe de la sécurité naît précisément en 1975, avec la fondation de la Communauté Européenne du Groupe de Trevi, et a progressé de concert avec la libéralisation des échanges et la création d’un marché unique : le traité de Maastricht, rédigé moins d’un an après l’effondrement du camp socialiste prévoyait, en complément de la construction économique et politique de l’Union Européenne (premier pilier), une politique étrangère et de sécurité commune (second pilier) ainsi qu’une coopération policière et judiciaire en matière pénale avec les agences Europol et Eurojust (troisième pilier). Ce processus libéral-autoritaire s’est poursuivi avec la signature du Traité d’Amsterdam en octobre 1997, dont l’objectif est de créer un « espace de liberté, de sécurité et de justice », puis avec le Conseil Européen de Tampere (octobre 1999) qui a institutionnalisé la coopération judiciaire entres États membres par l’instauration de l’extradition automatique et de la reconnaissance mutuelle des décisions juridiques, et enfin avec la mise en place du mandat d’arrêt européen. Créé par la décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002, ce dernier permet une remise automatique, par un État membre, d’une personne demandée par une autorité judiciaire d’un autre État membre. Il raccourcit considérablement les délais d’extradition en supprimant les contrôles judiciaires, bafouant les principes de spécialité et de double incrimination[1]. Enfin, la politique européenne de la sécurité dispose d’un Parquet européen depuis le Traité de Lisbonne de décembre 2007. La construction européenne conjugue libéralisation de l’économie, recul accéléré des acquis sociaux, renforcement du pouvoir exécutif, centralisation de l’appareil répressif et criminalisation des mouvements contestataires (voir ici).

Politiques austéritaires et dictature policière : l’Union européenne contre les peuples.

Les nouveaux dispositifs sécuritaires mis en place par l’UE servent aux États à mater la contestation populaire pour garantir le maintien les flux économiques, les mécanismes d’exploitation du travail et d’accumulation du capital visant le profit maximum et in fine protéger les intérêts de l’oligarchie financière. L’Espagne, l’un des pays les plus touchés par la crise de la dette, a augmenté son budget anti-émeutes de … 1900 % et va encore le tripler d’ici à 2016 ! Fusils laser (causant la cécité temporaire ou permanente), canons sonores testés lors de manifs aux Etats-Unis (ces canons génèrent des étourdissements et des nausées), et armes à micro-ondes provoquant des brûlures et des douleurs insoutenables seront, entre autres, utilisés contre les populations récalcitrantes (voir ici). La Suisse, de son côté, se prépare activement à une intensification des révoltes populaires réactives aux politiques d’austérité et vient de former quatre nouveaux bataillons militaires. Elle est en passe de déployer ses troupes le long de ses frontières en vue d’anticiper tout désordre social qui pourrait découler de l’effondrement de la zone Euro (voir ici). La surveillance des citoyens dans l’UE se renforce aussi considérablement. En France une loi a été votée pour permettre au gouvernement de surveiller en temps réel les communications téléphoniques et les échanges sur les réseaux et de collecter des renseignements intéressant la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, sous couvert de lutte contre le terrorisme, la criminalité et la délinquance organisées (voir ici). Le durcissement des contradictions du capitalisme (accroissement global des richesses, paupérisation du plus grand nombre) conduit à un recul des droits démocratiques et à une multiplication de lois liberticides et de dispositifs sécuritaires de surveillance et de répression[2].

La crise actuelle est une crise de surproduction

La crise actuelle est un effet du stade impérialiste du capitalisme caractérisé par la concentration progressive de la production conduisant à la formation de monopoles et par la domination du capital financier né de la fusion du capital bancaire et du capital industriel. C’est une crise de surproduction : la suraccumulation du capital conduit à la baisse tendancielle du taux de profit qui incite les entreprises à comprimer les salaires pour diminuer le coût du travail, créant ainsi un déséquilibre entre capacités de production et demande solvable. Celui-ci favorise un développement excessif du crédit visant à stimuler la demande et la formation de bulles spéculatives qui sont autant de bombes à retardement pour le capitalisme financier. Dans la crise actuelle, ce déséquilibre est aggravé par les politiques d’austérité détruisant l’emploi et la capacité de consommation des ménages. La menace que font peser ces politiques récessives sur l’économie réelle est telle que celles-ci font l’objet de critiques de plus en plus dures y compris de certains libéraux (voir ici) qui plaident pour un changement de cap… sans être jusqu’ici entendus.

Menacée par la baisse de leurs profits et la montée des revendications populaires, les bourgeoisies européennes mènent en réaction une politique répressive et régressive en matière de libertés et de droits sociaux afin de soumettre les populations à un ordre politique et économique de plus en plus injuste et brutal. Comme l’écrivait Lénine il y a un siècle, l’impérialisme c’est « la réaction sur toute la ligne et le renforcement de l’oppression nationale, conséquence du joug de l’oligarchie financière[3] ». Le durcissement sécuritaire a pour fonction d’intégrer de force (par la prison ou la rétention disciplinaire) ou au besoin d’éliminer physiquement les populations paupérisées par les politiques de démantèlement libéral, toujours plus nombreuses, tout en dissuadant les autres de s’engager sur la voie de la contestation. Cette orientation conduit à une rupture radicale d’avec le modèle de l’Etat providence de l’après-guerre qui tirait sa légitimité de la politique de plein emploi et de la protection sociale qu’il offrait aux citoyens. La politique libérale et austéritaire de l’UE nous condamne à l’inverse : austérité sans fin, effondrement économique, chaos social et État policier. Par un curieux retournement historique, les régimes politiques européens ressemblent de plus en plus au fascisme tel que le définissaient les théoriciens de la IIIè Internationale : « la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins les plus impérialistes du capital financier [4]».

A visiter : Combattre le Nouvel Ordre Sécuritaire, sur facebook.

A lire : La Révolution sécuritaire (1976-2012), Éditions Champ social, 2013.


[1] Voir R. Jespers, « La construction de l’Europe…. de la répression » in « L’Europe de tous les dangers », Études Marxistes, n° 57, janvier-mars 2002.

[2] Voir La Révolution sécuritaire (1976-2012), Éditions Champ social, 2013.

[3] V. Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, (1916), Éditions en langue étrangère, Pékin, 1996.

[4] VIIième congrès de l’Internationale Communiste, Rapport présenté par Georges Dimitrov le 2 août 1935.

Article de Nicolas Bourgoin

Nicolas Bourgoin, né à Paris, est démographe, docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales et enseignant-chercheur. Il est l’auteur de trois ouvrages : La révolution sécuritaire (1976-2012) aux Éditions Champ Social (2013), Le suicide en prison (Paris, L’Harmattan, 1994) et Les chiffres du crime. Statistiques criminelles et contrôle social (Paris, L’Harmattan, 2008).


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